Vivre en sécurité est un objectif pour tous. Et force est de constater que le monde d’aujourd’hui est plus insécurisant que celui d’hier. La pression mise sur notre société par DAECH est grande. Cette organisation terroriste a imposé sa stratégie de guérilla en Europe, reléguant les autres préoccupations de sécurité à l’état de menaces infimes. Vivre en sécurité est un objectif pour tous. Mais comment atteindre cet objectif? C’est à notre Ministre de l’Intérieur et à nos services de renseignements et de police de proposer la méthode. C’est à la population et à son Parlement élu de critiquer la méthode proposée. Critiquer au sens noble du terme: tant de manière positive que négative. Aujourd’hui, un certain nombre de voix s’élèvent pour critiquer négativement les méthodes choisies. Ce qui est pointé du doigt, c’est en particulier l’idée de ne pas cibler les actions, mais bien de les appliquer à tous les citoyens. Ainsi du secret professionnel des travailleurs sociaux, ainsi des visites domiciliaires et des contrôles dans les associations à Molenbeek et Schaerbeek. A Molenbeek, après avoir contrôlé uniquement certaines associations au motif que leur nom résonnait un peu « musulman », et entamé, avec l’aide des autorités communales, de visiter tous les domiciles sans aucune précaution de forme –l’opération se résumant à « sans mandat, sans ménagement » – , voici que Jambon a lancé une vaste opération de contrôles de tout le tissu associatif. Sans doute parce que peu avait été trouvé jusqu’ici. Sûrement pour remplir son engagement sloganesque » Je vais nettoyer Molenbeek « . A Molenbeek donc, les forces de police débarquent maintenant dans chaque association sans prévenir, en force, au beau milieu des activités. A croire que la Sûreté ne s’en sort plus dans ses fichiers de suspects… Ainsi les apprenants d’un cours d’alphabétisation ont vu la semaine passée avec stupeur 6 policiers en uniforme descendre sur place en plein cours. Ainsi les lycéens d’une école de devoirs ont vu la semaine passée leur séance de révision largement perturbée par les mêmes, intimidant leurs professeurs. Pourquoi? Pour déposer un courrier exigeant des dirigeants de ces associations leurs statuts, bilan comptable, liste du personnel et des bénévoles! Comment juger cette nouvelle mesure? Certaines choses sont évidentes. Les publics de ces associations, ainsi que leurs membres, font partie des populations les plus traînées dans la boue, les plus montrées du doigt, et les plus discriminées, en Belgique cette dernière année. Demander de tels documents pouvait se faire sous une autre forme. La plupart étant déjà à disposition au Moniteur Belge par ailleurs. D’autres éléments méritent réflexion. Quel sens cela a-t-il de contrôler des associations qui sont déjà sous la tutelle des pouvoirs publics, comme par exemple toutes celles qui émargent au Programme communal de Cohésion sociale ? L’un des terroristes aurait-il eu pour base une de ces associations? Plus largement, quel sens cela a-t-il de contrôler toutes les associations ? La crédibilité des associations auprès de leur public, voire la liberté associative elle-même – pourtant un droit constitutionnel – ne pourraient-elle pas pâtir de ce type de « descentes »? Et quelle est l’efficacité de ces mesures non-ciblées, mise à part la possibilité pour Jambon de dire qu’il a enquêté sur tout le monde? Enfin, d’autres mesures n’auraient-elles pas plus de sens? Comme par exemple remplir le cadre de la police locale et l’élargir ? Et ainsi pouvoir redéployer une véritable police de proximité, qui connaisse chaque habitant, qui ait ses entrées partout, qui respecte la population. Qui fasse régner l’ordre sans faire peur aux enfants, et sans se sentir en péril ou en terre de mission au point de recourir à l’abus de pouvoir. Pour mémoire, Plan canal ou pas, il manque de l’ordre de 100 agents pour la zone de police Bruxelles-Ouest, dont fait partie Molenbeek. Comme par exemple refinancer les services de renseignement? Et ainsi pouvoir infiltrer et enquêter, de manière ciblée, auprès des groupements suspects. Et ainsi pouvoir traiter toutes les informations déjà obtenues. Car ce que nous apprennent les attentats commis en Belgique et en France, c’est surtout que la plupart des auteurs étaient connus de la justice ou des services de renseignements. L’information était disponible mais n’avait pu être exploitée, faute de moyens technologiques et humains suffisants! Comme par exemple traquer sérieusement les gros bonnets et les filières de l’argent du terrorisme? Et ainsi pouvoir éviter de chercher « par en-dessous » une aiguille dans une botte de foin. Car comment qualifier autrement la mission de ceux qui devront éplucher ce que leur fourniront les associations à la recherche d’une trace d’argent sale? Là aussi l’infobésité, ce trop-plein d’informations que l’on n’arrive pas à gérer et qui bloque le bon fonctionnement des services guette. Si vivre en sécurité est un objectif pour tous, le bilan de la stratégie du « tous suspects » m’apparaît a priori fort faible. La visite des associations est injuste. Et on aurait pu l’accepter si elle ne semblait pas par ailleurs totalement inefficace, disproportionnée, et délétère. Du coup, pour finir, je voudrais saluer le courage et le travail de toutes ces associations qui ont décidé de s’engager aux côtés des Molenbeekois aujourd’hui. J’espère qu’ils seront toujours là demain! Catherine Moureaux est Présidente du Groupe PS au Parlement francophone bruxellois. Carte blanche publiée sur le site RTBF.be le 16 février 2017.
Fillon réactionnaire révolutionnaire? Nous on a Maggie!
Quel changement de modèle de la sécurité sociale se cache derrière les dernières mesures de Maggie De Block ? Au-delà du fait de savoir qui perd plus et qui perd moins, il faut se rendre compte qu’il y a une véritable « nouvelle vision » de la sécurité sociale qui pointe derrière les mesures budgétaires et administratives présentées actuellement par le gouvernement MR-NVA. Tout d’abord, les économies que prétend réaliser Maggie de Block dans les soins de santé en 2017 sont tout-à-fait « hors-normes ». Elle liquide en effet l’équivalent du budget total des soins dentaires des Belges, 900 millions d’euros ! En un an, c’est du jamais vu. Et cela va à l’encontre des politiques antérieures qui consacraient, depuis les années ’90, la santé comme un domaine à part, étant donné principalement le progrès technologique, le vieillissement de la population et l’emploi y consacré. On pouvait donc tolérer une croissance du budget des dépenses plus importante que dans les autres domaines, au regard des besoins de la population. 2017 – fin d’une ère I. Ensuite, le politique avait toujours eu la sagesse de garder à l’esprit qu’il fallait, par rapport à certaines prescriptions inadéquates, faire un travail de formation continuée important auprès des médecins et les responsabiliser tout en respectant la liberté thérapeutique. Un équilibre des valeurs pas toujours simple mais très efficace et respectueux à la fois des praticiens des patients et de la santé publique. Ici, comme avec les travailleurs sans emploi qu’on a progressivement transformé en « chômeurs profiteurs » pour mieux les « responsabiliser » ensuite, on a fait un grand bond en avant vers la responsabilisation des patients. En effet, si les Belges consomment trop d’antibiotiques, faisons payer ces médicaments plus cher ! Ainsi les patients ne les consommeront pas OU alimenteront nos économies ! Double bingo ! Sauf que ce sont les médecins qui prescrivent les antibiotiques, et que faire tripler le prix de l’amoxicilline ne fera pas le tri entre le bon et le mauvais usage des antibiotiques mais bien entre le patient qui a facile à les payer et celui qui a du mal à nouer les deux bouts… Double flop en fait. Car qui dit que celui qui ne pourra pas se les payer c’est celui qui n’en avait pas besoin ?!? Mais l’idée passe : le patient va être « responsabilisé ». 2017 – fin d’une ère II. Alors, les médecins ne sont pas contents parce que leurs salaires ne seront pour ainsi dire pas indexés ? Du coup tous les syndicats médicaux dénoncent l’accord médico-mut. Cela signifie qu’ils pourront pratiquer les honoraires qu’ils veulent et que l’Etat ne leur accordera pas de « pécule social ». Maggie De Block est-elle gênée de cette grogne ? Pas forcément. C’est là encore un équilibre historique qui est bousculé. Par lequel l’Etat achetait une grande accessibilité aux soins aux prestataires. Qui pourrait trinquer ? Les médecins travaillant en milieu défavorisé en premier, mais surtout un grand nombre de patients de toutes sortes. 2017 – fin d’une ère III. Quelques mots enfin des économies dans le budget des maisons médicales : 7 millions d’économies et le gel de l’installation de nouvelles pratiques au forfait. Il s’agit là de mesures à caractère purement idéologique. En terme de santé publique, il est évident que c’est le contraire qui aurait du sens… 2017 – fin d’une ère IV. Enfin, en ce qui concerne la gestion de l’assurance-maladie, les mesures à suivre de « redesign des administrations de santé » et de conditionnalité d’une partie du budget de la Sécu à des objectifs de résultat, quant à elles pourraient amener la menace au coeur même du financement de l’assurance-maladie. Fillon réactionnaire révolutionnaire? Nous on a Maggie!
Pour une laïcité espace de liberté et non mur d’intolérance! – Carte blanche
En tant que laïque et démocrate, je suis souvent interpellée par ce que je juge être une application inadaptée et infondée de principes auxquels je suis pourtant viscéralement attachée. Notre démocratie est malmenée aujourd’hui par certains de ses ennemis les plus irréductibles. Et notre combat pour elle doit être sans concession. Mais son dévoiement par ceux qui prétendent la défendre en l’atténuant doit également être implacablement dénoncé. J’ai fait le choix d’inscrire mes enfants dans l’École Publique. Parce qu’elle me semble être le seul lieu où les idéaux de liberté et d’égalité peuvent être transmis et valorisés. Lorsque que je me rends dans les établissements concernés, je croise d’autres mamans. Ce qui me saute aux yeux en leur présence, ce n’est pas le voile qui recouvre certaines d’entre elles mais plutôt leur aspiration, légitime, à toutes, à assurer un avenir meilleur pour leurs enfants. Rien ne saurait justifier que ces citoyennes voient leurs droits fondamentaux réduits en raison d’une conception discutable de la neutralité. Une grave violence symbolique Bien sûr, l’École doit être un sanctuaire pour les enfants. L’Ecole doit leur permette d’accéder à l’émancipation, quelles que soient l’origine culturelle ou sociale de leurs parents. Elle doit aussi être un lieu d’exercice d’une citoyenneté critique et ouverte. L’apprentissage de celle-ci s’avérera précieuse lorsqu’ils seront amenés en tant qu’adulte à devenir des acteurs de notre société démocratique. Dès lors, on peut se poser la question du message qui leur est transmis lorsqu’ils voient leurs mères subir ce que l’on peut qualifier de discrimination institutionnalisée. Et qui constitue à tout coup, une grave violence symbolique. Même dans la très laïque République française, il s’est trouvé des voix, et non des moindres pour refuser de traiter de manière différenciée des mères qui n’ont pour seul tort que celui de porter un signe convictionnel. De Najat Vallaud Belkacem à Caroline Fourest, personnalités pouvant difficilement être perçues comme complaisantes envers les religions, nous avons entendu une opposition claire en France à ce que les mamans voilées soient exclues d’activités scolaires auxquelles d’autre parents avaient accès. « Accomodement raisonnable » Je peux entendre et même comprendre les craintes de certains par rapport à la résurgence du fait religieux dans notre société. Les mêmes fustigent les « accommodements raisonnables » qu’ils vouent aux gémonies. Formée à la Médecine dans une université dont la devise est que « la science vaincra les ténèbres », je suis convaincue qu’il faut protéger la liberté de conscience et rejeter les dogmes. Je tiens toutefois à rappeler que la Belgique repose sur un gros, un énorme « accommodement raisonnable »! Se trouve en effet dans la constitution le droit des parents de choisir un enseignement confessionnel subsidié par l’État ou de choisir un cours de religion dans enseignement organisé par les pouvoirs publics… La paix scolaire a été au prix de l’inscription dans la Constitution de ces droits. A côté de cela, s’opposer à ce que certaines mamans accompagnent leurs enfants lors de sorties scolaires apparaît comme bien tristement dérisoire. Notons que cette participation des mamans concourt par ailleurs à une notion importante: le vivre ensemble. Un espace de liberté pour tous Aujourd’hui une partie de notre population juge que la liberté et l’égalité des enfants sont menacées par cette application étroite du principe de neutralité. Ceci devrait pouvoir être entendu. Sauf à considérer comme souhaitable que certains parents quittent l’enseignement officiel pour aller vers la concurrence ce que je me refuse à faire. Les parents sont des partenaires essentiels de l’École. Leur adhésion au projet éducatif de l’établissement est primordial pour l’épanouissement de l’enfant. Si l’on veut qu’enfants et parents se réapproprient certains concepts en soi positifs, comme celui de neutralité, alors l’autorité publique doit être irréprochable dans la valorisation des principes de liberté et d’égalité. C’est cette voie qui permettra à la laïcité d’être vécue comme un espace de liberté pour tous et non comme un mur d’intolérance isolant une minorité. Catherine Moureaux est Présidente du Groupe PS au Parlement francophone bruxellois
Le respect des femmes par et pour tous
Carte blanche que j’ai cosignée et qui a été publiée dans le journal Le Soir de ce 14 janvier 2016 Le respect des femmes par et pour tous Au lendemain des violences survenues à Cologne la nuit du Nouvel An, le secrétaire d’État à l’Asile et la Migration Theo Francken (N-VA) a proposé de mettre en place et de rendre obligatoire un cours de « respect de ’la’ femme » pour les migrants. Jan Jambon a renchéri en déclarant « L’égalité homme femme fait partie de nos valeurs fondamentales. Personne ne pourra la remettre en cause, ni ceux qui sont nés dans le pays, ni ceux venus y trouver refuge »(1). Nous n’avons jamais vu nos hommes politiques défendre avec une telle énergie le respect dû aux femmes, et encore moins une de « nos » valeurs fondamentales qui serait l’égalité hommes-femmes. Pourtant, les premiers à mettre à mal cette égalité sont notamment certains politiques eux-mêmes. En tout cas, le respect de cette valeur fondamentale ne semblait pas les préoccuper en janvier 2015 lorsque ce gouvernement a décidé de prendre des mesures économiques dont l’impact est désastreux pour les femmes. En effet, l’effritement des droits sociaux pénalise plus fortement les femmes qui ont des emplois moins bien rémunérés que ceux des hommes ; les femmes ont souvent des jobs à temps partiels et subissent plus souvent des périodes de chômage et des interruptions de carrière. Le « gouvernement Michel » n’a absolument rien fait pour essayer d’atténuer l’effet de ces mesures qui accroît les inégalités bel et bien existantes en Belgique entre les hommes et les femmes. Parce que et contrairement à ce que Monsieur Jambon et Francken aimeraient nous faire croire, l’égalité entre hommes et femmes est encore bien loin d’être une réalité en Belgique ! Dans le monde du travail (2), nous, femmes, sommes 60% des diplômés universitaires mais ne sommes que 6% à occuper des postes de direction. Notre salaire est inférieur à celui des hommes de 10%. Ce pourcentage est de 42% pour celles qui travaillent sous le régime des indépendants (3). Ce sont essentiellement les femmes qui mettent entre parenthèses leur carrière professionnelle pour s’occuper des enfants. Économiquement les femmes sont précarisées par cela à tel point qu’au jour de la pension, elles touchent un tiers de moins que les hommes (4). Or, très peu de mesures positives sont prises par les gouvernements belges successifs. Au contraire : pas de congés de maternité hommes-femmes, peu de places supplémentaires et à prix raisonnable en crèche, pas d’aménagement du temps de travail des hommes afin qu’ils puissent aussi se consacrer à leur famille, pas de quota au niveau du nombre de femmes aux postes de manager, etc. En termes de justice, nous sommes les grandes perdantes puisque trois quarts des procès pour viol sont sans suite. En France, le procès de Jacqueline Sauvage a montré combien la justice était envahie de stéréotypes et de méconnaissances concernant les violences faites aux femmes (5) et rend, dès lors, des jugements iniques. Alors, Monsieur Jambon ; est-ce bien cohérent de nous exhorter à dénoncer les agressions sexuelles dont nous serions victimes ? Sauf à imaginer que la nationalité de l’agresseur vous motive à prendre ce problème au sérieux (6) ? Pourtant en Belgique 36% des femmes sont victimes de violence. Ce phénomène n’est pas nouveau et bien antérieur à l’arrivée de réfugiés Syriens ! D’autant que ces violences se passent pour l’essentiel au sein des familles et , contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les « méchants étrangers » les principaux responsables (7). Si l’idée de cours de comportement à l’égard des femmes voit le jour, ces chiffres démontrent que c’est à l’ensemble de la population que ce cours devrait être donné, à commencer à nos hommes politiques ! Mais plus encore que des cours, ce sont des politiques sérieuses et efficaces en matière d’égalité hommes-femmes que nous demandons avec vigueur. Nous rappelons que la loi dite « gendermainstreaming », adoptée en 2007, n’est toujours pas d’application au fédéral (8). Nous, femmes, nous opposons à l’instrumentalisation que vous, messieurs les politiques, faites de nos droits si mal défendus ni protégés jusqu’à présent, pour légitimer votre politique motivée par des enjeux électoraux. Nous refusons que vous nous utilisiez pour cautionner une politique dangereuse et stigmatisante qui participe à la spirale de violence dans laquelle nous allons être entraînées et que nous refusons d’alimenter. D’autant qu’en définitive, nous en serons les premières victimes. Texte rédigé par Sylvie Olivier, architecte féministe et Aurore Van Opstal, militante/réalisatrice féministe Signé par : Sfia Bouarfa, (PTB), Députée honoraire ancienne sénatrice Sahra Datoussaid, Militante féministe Céline Delforge, Députée bruxelloise, Ecolo Eléonore Dock, jeune féministe Eugenia Fano, Enseignante et présidente de l’asbl le cargox : plate-forme artistique de femmes Pauline Fonsny, Artiste Zoé Genot, Députée régionale ECOLO Julie Jaroszewski, Artiste Zoubida Jellab, Conseillère communale Ecolo Irène Kaufer, Militante féministe Zakia Khattabi, Coprésidente d’Ecolo Deborah Kupperberg, attachée à l’égalité des chances (cfwb) Valérie Lootvoet, directrice de l’Université des Femmes Bérengère Marques Pereira, présidente de l’Université des Femmes Marion Pillé, Artiste Vanessa Matz, Députée fédérale cdH Catherine Moureaux, Députée bruxelloise PS Axelle Red, Artiste Laurence Rosier, Professeure, Université Libre de Bruxelles Simone Susskind, Députée PS au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale (1) http://www.lesoir.be/1087659/articl… (2) http://ec.europa.eu/justice/gender-… (3) http://www.lesoir.be/49712/article/… (4) http://www.fgtb.be/web/guest/files-… (5) http://www.francetvinfo.fr/societe/… (6) http://www.lesoir.be/1087659/articl… (7) http://www.amnesty.be/je-veux-m-inf… (8) http://igvm-iefh.belgium.be/fr/doma… Carte blanche publiée dans le journal Le Soir de ce 14 janvier 2016
La Matrice Europe
Mon article paru dans Lalibre du 14 juillet 2015 sous le titre: « Comment la crise grecque ébranle-t-elle l’Europe » Dans la lutte qu’il incarna de la démocratie contre la « dettocratie », et même dans la défaite qui semble consommée, Alexis Tsipras rappelle la figure de Néo, ce personnage de fiction dont le combat inégal contre la Matrice va permettre progressivement d’en saisir les contours et d’en percevoir la teneur. Dans le film de science-fiction de 1999 réalisé par les frères Wachowski, la réalité est occultée et les humains sont gardés sous contrôle dans un monde virtuel. Il est plaisant de relever que la philosophie de ce chef-d’œuvre populaire du septième art semble inspirée de l’Allégorie de la caverne de Platon : le penseur grec avait déjà imaginé, il y a quelques 25 siècles, cette allégorie de l’humanité enchaînée et incapable de percevoir autre chose que l’ombre de la réalité. Bien sûr, l’analogie est grossière et, prise au premier degré, facilement réfutable. Il suffit d’expliquer que les machines ne dominent pas le monde, et qu’à l’ère des médias de masse, tout le monde a la liberté de s’informer et de poser des choix en connaissance de cause. Il n’empêche que la crise grecque a tout de même eu le mérite de mettre la lumière sur des institutions et des logiques « matricielles ». Aujourd’hui, les citoyens européens dans leur grande majorité sont convaincus de vivre dans un système démocratique. Ils sont un peu moins nombreux à se reconnaître dans les dirigeants qu’ils ont élus et qui les représentent. Et, depuis la crise dite de la dette souveraine à la fin de la première décennie du XXIe siècle, il leur apparaît de plus en plus qu’ils sont exclus d’une part importante de la prise de décision. En effet, les états du sud de la Zone euro ont progressivement été mis sous la tutelle de structures technocratiques, dont la finalité est la stabilité de la monnaie unique. Or celles-ci ne conçoivent le salut de l’euro que par l’application de politiques d’austérité. Des pays comme la Grèce, mais aussi l’Espagne et le Portugal, ploient désormais sous le joug d’un néocolonialisme économique ; c’est aujourd’hui clairement à Bruxelles, Berlin ou Francfort que les centres de décision se trouvent. Beaucoup de choses ont été écrites par des experts plus autorisés que moi sur l’austérité et le fait qu’elle peut être un facteur aggravant de la détérioration de l’économie. Je n’ai pas la prétention d’apporter de nouveaux éléments de réflexion par rapport à l’analyse de différentes sommités comme Krugman ou Stiglitz. Par contre, je tiens à mettre en exergue les douloureux soubresauts causés par l’agonie démocratique vécue par le vieux continent. Les électeurs grecs savent maintenant que s’ils votent Papandreou, Samaras ou Tsipras, ce sera en définitive Djisselbloem, Merkel ou Schaüble qui décideront de leur destinée. Cette assertion est implacable, même si quelques belles âmes pourront s’insurger en disant que les Grecs sont en partie responsables de la situation dramatique de leur pays et qu’il ne tient qu’à eux de sortir de l’euro, s’ils ne veulent pas accepter les « propositions » de la tutelle. Quel démocrate digne de ce nom pourra arguer sérieusement que des choix passés en matière de politiques publiques, choix certes critiquables, justifient la confiscation fût-elle partielle de la souveraineté populaire ? Les faucons de l’Eurogroupe ont-ils voulu également envoyer un signal aux électeurs espagnols ? Leur indiquant que si, en novembre, ils auront bien formellement le choix entre Rajoy, Sanchez et Iglesias, la politique suivie lors de la législature à venir sera celle décidée par Djisselbloem, Merkel et Schaüble. Ce qui se joue en ce moment, c’est peut-être ni plus ni moins que le rétablissement du suffrage censitaire au niveau européen où les voix des électeurs espagnols ou grecs comptent moins que celle des allemands ou des finlandais. Tsipras avait-il le choix ? Non, si l’on considère que l’opinion publique grecque n’était pas prête à accepter une sortie de l’euro. Le gouvernement a tenté de combiner le respect de ses promesses électorales généreuses et le maintien coûte que coûte dans un cadre très étriqué –l’euro-. Le combat était sans doute perdu d’avance. Peut-être aurait-il vraisemblablement dû élargir le champ des possibles en envisageant de sortir du cadre. Mais on touche ici à un des fondements de l’illusion démocratique européenne, une autre partie, assez efficace, de la Matrice. Pendant des années s’est propagée l’idée dans les opinions publiques des états de l’Union Européenne que l’Europe est intrinsèquement porteuse de paix et de développement. Il n’est donc pas évident que les populations soient en capacité de constater que le modèle social européen tant vanté s’est progressivement converti en un paradigme néolibéral européen qui effraie jusqu’aux économistes libéraux des États-Unis, pays souvent considéré comme la référence en matière de capitalisme. On peut d’ailleurs se demander si l’intervention américaine n’a pas été décisive dans l’humiliant« sauvetage » de la Grèce qui se dessine. Obama et son Secrétaire d’État au Trésor, Jack Lew, sont en effet intervenus à plusieurs reprises pour plaider en faveur du maintien de la Grèce dans la Zone euro. Sans doute ne voulaient-ils pas que la Russie, qui avait fait offre de service, prenne la main sur le dossier ? Cette considération nous éloigne du sujet, mais elle met du plomb dans l’aile de ceux qui voient en la construction européenne la perspective de l’émergence d’un contrepoids aux USA… Autre rebord de la Matrice ? Et maintenant ? Cela ne sert à rien d’accabler le gouvernement grec qui, tel le poisson dans la nasse, a essayé de faire bouger les lignes en Europe. Il faudra suivre l’évolution du dossier dans les jours qui viennent et en particulier comprendre si des avancées peuvent être ou ont été engrangées pour ce qui est de la restructuration de la dette, ce qui était la première des priorités de Tsipras. Aujourd’hui il ne s’agit pas de faire le choix entre le nationalisme et l’européisme, car il a été démontré qu’ils sont tous deux franchement compatibles
Pour l’intégration de la dimension de genre dans la réforme des pensions
Carte blanche publiée dans le Soir du 23 juin 2015, à l’initiative d’un collectif de députées socialistes(*) dont je fais partie… Des mandataires socialistes des différentes assemblées régionales et fédérale s’adressent au gouvernement dans le cadre de la réforme des pensions et lui demandent de remédier aux inégalités entre femmes et hommes pensionnés. Ce lundi, les partis de l’opposition au fédéral se sont opposés à la tentative de passage en force de la réforme des pensions voulue par le gouvernement Michel. Le même jour, le Conseil d’Etat émettait un très sévère avertissement sur ce projet de réforme dont la conformité avec les lois et la Constitution belges est plus que contestée Face à cette actualité, Le Soir publiait hier un dossier consacré aux conséquences de cette réforme , mais un enjeu crucial a été éludé du débat : l’impact de cette réforme des pensions sur les femmes. Le Conseil d’Etat a mis en garde le gouvernement contre une possible rupture de l’égalité entre les belges et l’on sait que les pensions de femmes sont un des révélateurs les plus criants des rapports sociaux et de genre encore très inégalitaires dans notre pays. C’est pourquoi, nous, femmes et députées socialistes de différentes assemblées, tenons à remettre cette question au centre du débat et appelons le gouvernement à prendre en compte la dimension de genre dans sa réforme, faute de quoi, les inégalités entre hommes et femmes ne feraient que s’accentuer. En Belgique, en 2015, cette perspective est inacceptable. Des inégalités déjà présentes… Le régime des pensions en Belgique est constitué de trois piliers : la pension légale, les pensions complémentaires (2e pilier) et l’épargne pension individuelle. Les femmes sont les premières victimes des inégalités liées à ce système. Le premier pilier, celui de la pension de retraite, montre que la pension des femmes est nettement plus basse que celle des hommes : 698 euros brut/mois en moyenne pour une femme isolée contre 953 euros brut/mois (1) pour un homme dans la même situation. Par ailleurs, elles sont nombreuses à travailler dans des secteurs « pauvres » qui n’offrent pas de 2e pilier (les secteurs sociaux, les soins de santé, les petits commerces, etc.). Enfin, n’oublions pas la différence de salaire existant entre hommes et femmes tous secteurs confondus, qui s’élève encore à 20% qui les empêche bien souvent de se constituer une épargne individuelle ! …Qui se creuseront davantage avec la nouvelle réforme Le durcissement de l’accès à la pension anticipée prévu dans l’accord de gouvernement Michel Ier prévoit une augmentation de l’âge minimum et de la condition de carrière. Ainsi d’ici l’horizon 2019, il faudra avoir travaillé 44 ans pour pouvoir partir en pension anticipée à 60 ans, autrement dit avoir travaillé sans discontinuité depuis ses 16 ans. Si tel n’est pas le cas, il faudra attendre 63 ans, à condition d’avoir une carrière de 42 ans. Les femmes, qui ont plus souvent arrêté de travailler pendant quelques années, souvent pour élever leurs enfants en bas âge, seront d’autant plus touchées par cette mesure. En pratique, elles seront très nombreuses à devoir travailler jusqu’à l’âge légal de 67 ans en 2030. Ainsi, 53,51% des femmes salariées et 82,39% des femmes indépendantes devront travailler jusqu’à 67 ans, faute d’une carrière suffisante pour prendre leur pension plus tôt (2). Le gouvernement a également appliqué depuis le 1er janvier 2015 la suppression de l’indemnisation du crédit-temps sans motif et le contrôle durci des motifs désormais autorisés (congé parental, congés pour soins palliatifs et assistance à une personne gravement malade). Les femmes qui étaient plus nombreuses à y avoir recours pour prendre soin d’un proche ne pourront plus comptabiliser ce crédit-temps dans le calcul de leur pension. Même si nous souhaitons ardemment que celles-ci appartiennent au passé, il est primordial de prendre en compte les réalités inhérentes aux rôles sociaux stéréotypés des femmes et des hommes. Ceci est une priorité à laquelle le gouvernement doit s’attacher sous peine d’accroitre davantage les disparités déjà existantes entre hommes et femmes face à la pension et pire, de plonger de nombreuses femmes sous le seuil de pauvreté. A l’instar du Conseil de l’Egalité des Chances entre les Hommes et les Femmes, nous regrettons qu’aucune analyse n’ait été produite sur l’impact de la réforme des pensions sur les femmes salariées (3). Ceci est d’autant plus interpellant qu’en 2007, une loi visant à l’intégration de la dimension du genre dans l’ensemble des politiques fédérales a été votée (4). C’est pourquoi, nous, femmes et députées PS de différentes assemblées, demandons au gouvernement d’apporter une attention toute particulière à la dimension de genre dans sa réforme des pensions. Nous soutenons les revendications des associations féministes (5) et nous lui demandons: – Une meilleure prise en compte des périodes de travail à temps partiel dans le calcul de la pension – Le maintien des périodes de crédit-temps sans motif dans ce calcul – Le renforcement du 1er pilier, à savoir la pension légale. – La fin de toutes les mesures qui favorisent le couple à un seul revenu. – La fin de toutes les mesures qui favorisent le travail à temps partiel. – L’individualisation des droits sociaux. – Enfin, nous lui demandons de consulter le Conseil de l’Egalité des Chances entre les Hommes et les Femmes avant l’adoption en dernière lecture de la réforme des pensions. (1) ONP, statistiques annuelles 2013. (2) Chiffres communiqués par le ministre des Pensions suite à une question écrite de Frédéric Daerden le 15/12/2014. (3) Avis n°147 du Conseil de l’Egalité entre les Hommes et les Femmes du 29 mai 2015. (4) Loi du 12 janvier 2007 visant au contrôle de l’application des résolutions de la conférence mondiale sur les femmes réunie à Pékin en septembre 1995 et intégrant la dimension du genre dans l’ensemble des politiques fédérales. (5) Ces revendications ont été avancées par les Femmes Prévoyantes Socialistes et plus largement par la Plateforme Féministe Socio-Economique qui dénonce l’impact des mesures d’austérité sur les femmes. (*) Signataires : Véronique Bonni, députée à la Région wallone
« Il ne suffit pas d’augmenter la surveillance policière »
Ce 20 janvier, j’ai publié une carte blanche dans le Soir (édition électronique de 17h) dans le but d’appeler à une réaction politique face aux attentats récents qui évite le piège de « l’émocratie », qui ne tombe pas dans les amalgames et les simplismes : il s’agit au contraire de poser un véritable diagnostic des zones de fragilités de notre société. « Il ne suffit pas d’augmenter la surveillance policière » Par Catherine Moureaux, députée socialiste et présidente du Groupe PS au Parlement francophone bruxellois (Région bruxelloise et Fédération Wallonie-Bruxelles) Les récents attentats français, suivis de prises d’otages sanglantes et d’une mobilisation policière en Belgique nous ont tous marqué. Ils ont créé un traumatisme profond partout en Europe et dans le monde. Nous vivions déjà un climat général d’inquiétude par rapport à la « radicalisation religieuse » de jeunes européens issus de l’immigration. Aujourd’hui la violence des attentats commis à Paris pourrait provoquer des politiques délétères pour nos libertés individuelles, pour la cohésion sociale et pour l’égalité entre les citoyens… c’est-à-dire pour les fondamentaux de nos états démocratiques modernes. Dans un tel contexte, il me semble qu’il est de la responsabilité des femmes et des hommes politiques d’assurer que les débats qui s’annoncent se fondent sur des faits, sur des chiffres vérifiables, sur des données objectivables tirées de sources fiables. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, les chiffres des départs vers la Syrie diffusés par les médias nécessitent d’être examinés avec la plus grande circonspection. Le débat politique indispensable, vu la gravité des événements, ne doit pas nous faire oublier que nous évoquons ici trois individus posant des actes déments. Nous devons éviter de donner des arguments à ceux qui s’enferment dans le délire raciste de la « civilisation occidentale menacée par des hordes de barbares ». Les simplismes et les caricatures s’amoncellent déjà, tout comme les « petites formules » qui permettent à leurs instigateurs de surfer sur l’émotion sans jamais prendre le temps de l’analyse. En particulier, nombreux sont celles et ceux qui proposent comme (seule) solution un renforcement des politiques sécuritaires : au lendemain du massacre, il s’agirait de « traquer l’ennemi de l’intérieur ». Pourtant, ces actes montrent par l’horreur que les politiques sécuritaires ne sont pas la panacée. Le dispositif français Vigipirate n’a pu empêcher les attentats. La protection policière n’a pas suffi face aux meurtriers déterminés. Il faut aller plus loin dans le raisonnement. Il faut se poser la question de la « production sociale des monstres » et s’y atteler. Il ne suffit pas d’augmenter la surveillance policière : il faut se demander ce qui peut amener un citoyen à renier radicalement la société dans laquelle il est né, dans laquelle il a grandi. Il ne suffit pas d’interdire à un jeune d’aller se battre en Syrie aux côtés de Daesh en l’empêchant de traverser les frontières : il faut se demander pourquoi ce jeune veut y aller. C’est à un examen en profondeur des structures sociales que nous devons nous atteler. Il nous faut ausculter patiemment toutes les zones de fragilités, toutes les blessures qui affectent le tissu social et qui rendent possible une déchirure. En la matière, le diagnostic diffèrera en fonction des pays, voire des régions. La ségrégation spatiale qui prévaut dans les villes françaises n’a pas d’équivalent en Belgique. Cependant, la Belgique, et singulièrement la région bruxelloise, connaît une ségrégation violente en matière d’accès à l’emploi, d’accès au logement et en matière d’enseignement. Dans le cas de Bruxelles, une étude récente de l’ULB (IGEAT) a montré que la ségrégation sociale commence dès l’enseignement maternel. En Communauté française, en filigrane des débats sur la régulation des inscriptions scolaires se percevait une grande inquiétude quant à la mixité sociale « imposée ». Plus globalement, les inégalités augmentent, et les citoyens belges « d’origine immigrée » sont parmi les franges de la population les plus touchées par l’aggravation de la précarisation (comme le montre par exemple l’évolution du baromètre du social bruxellois). Il est trop simple d’ignorer la violence symbolique vécue par les jeunes des quartiers les plus défavorisés, à Charleroi, à Bruxelles ou à Anvers, et d’imputer leur radicalisation à leur appartenance communautaire. Il est trop simple d’ignorer que la radicalisation de détenus doit énormément à l’état de délabrement et de sur-occupation des prisons, à l’insuffisance des moyens affectés à la réinsertion. Il est trop simple d’ignorer que la réduction croissante du rôle de l’Etat à une seule fonction de contrôle des comportements et de protection de la propriété privée, suivant les schémas des néoconservateurs, provoque une défiance profonde vis-à-vis de toutes les institutions. Il est enfin bien trop simple de ne pas interroger les conséquences des politiques internationales menées par l’Union européenne et en particulier la Belgique, singulièrement dans son engagement militaire au sein de l’OTAN. Ceux qui entendent aujourd’hui limiter le débat aux seules mesures de contrôle, de quadrillage de certaines franges de la population, comme ceux qui veulent calquer les mesures belges sur les dispositifs français, tentent d’esquiver ce questionnement douloureux. Nous ne pouvons cependant faire l’économie d’un véritable diagnostic collectif : notre sécurité est à ce prix.