Le 4 juillet 2018, j’ai interrogé le Ministre compétent en santé en Région bruxelloise sur le projet de la ministre fédérale de la Santé d’adapter le forfait suite à l’étude KPMG sur les maisons médicales. Compte-rendu ci-dessous:
Mme Catherine Moureaux (PS).– Ayant constaté qu’en dix ans, le budget consacré aux maisons médicales était passé de 44 millions à 152 millions d’euros, la ministre fédérale de la Santé, Maggie De Block, a voulu vérifier si ces fonds étaient bien dépensés. Elle a donc chargé une commission de lui soumettre des propositions de modifications. C’est à la société KPMG qu’a été confiée l’étude. Vous vous rappelez que le choix de cette société avait suscité des critiques dans nos rangs. En effet, choisir une société qui a l’habitude de réaliser des audits dans le domaine commercial pour analyser un système de santé nous semblait étonnant.
La ministre vise les maisons médicales au forfait où un patient peut recevoir les soins de base (médecine générale, kinésithérapie, actes infirmiers) sans devoir débourser de sa poche, puisque la mutualité paie un forfait à la capitation à la maison médicale pour sa prise en charge. Ce système permet aux citoyens de bénéficier de consultations aussi bien curatives que préventives. Il permet à la maison médicale d’organiser ce que l’on appelle de la santé communautaire. Il favorise un cadre de financement serein pour les équipes. Enfin, il crée une solidarité entre les patients de la maison médicale.

L’audit commandé à KPMG avait pour mission de « pouvoir optimaliser le fonctionnement des maisons médicales dans l’intérêt général ». Il conclut à un « surfinancement » de ces structures : « Actuellement, le coût total par patient (soins médicaux, logistique, administration, infrastructure, etc.) s’élève à 396 euros par patient, tandis que les maisons médicales bénéficient au total de 455 euros par patient grâce à différentes sources de financement ».

Selon moi, c’est une vision biaisée de la situation, car effectivement, à l’époque où le forfait a été conçu et où les négociations ont eu lieu sur la manière de le financer, les différents types de populations et de soins à apporter avaient été pris en considération, ainsi que les économies à réaliser en deuxième ligne. C’est pourquoi il y avait des pourcentages de majoration par rapport à la moyenne prévue pour les soins des patients hors forfait. Donc, cette manière de synthétiser la situation n’est pas correcte.
C’est au départ de ces constats, malheureusement, que la ministre a chargé un groupe de travail, comprenant notamment – et heureusement – des représentants des maisons médicales, de proposer des adaptations. Les propositions devaient être annoncées le 26 avril dernier et répondre aux lignes directrices définies par la ministre : actualisation du cadre réglementaire, financement, transparence et surveillance de la qualité.
J’ai entendu que vous parliez beaucoup avec Mmes Fremault et Jodogne, mais je ne suis pas sûre que ce soit le cas avec Mme De Block. Ce n’est pas toujours facile de dialoguer avec elle, je l’ai moi-même vécu en commission à la Chambre et au Sénat.
Avez-vous été associé à ces discussions ? Avez-vous été informé de leur contenu ? Disposez-vous d’une image claire de la situation en Région bruxelloise à la suite de ces discussions ?
Vu l’importance des maisons médicales pour garantir l’accès aux soins à tous, y compris aux nombreuses personnes en situation de précarité ou souffrant de maladies chroniques dans notre Région, il est essentiel qu’une lecture propre à notre ville-région soit défendue pour tenir compte de notre réalité et de notre besoin en maisons médicales.

M. Didier Gosuin, membre du Collège réuni.– Concernant ce dossier, nous n’avons pas du tout été associés aux discussions, malgré les demandes de ma collègue, Mme Jodogne, de M. Vanhengel et de moi-même au sein de la conférence interministérielle (CIM) de la santé publique. Nous étions au courant des intentions de Mme De Block car elle avait annoncé dans la presse la constitution d’un groupe de travail mixte composé du Comité de l’assurance soins de santé et de la Commission chargée de conclure les accords relatifs aux forfaits au sein de l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (Inami), afin de formuler des recommandations sur la base du rapport d’audit de KPMG, et auquel la Fédération des maisons médicales et des collectifs de santé francophones (FMMCSF) a pris part.

Selon nos informations, les recommandations formulées par ce groupe de travail auraient été transmises le 8 mai dernier au cabinet de la ministre fédérale de la Santé. Nous ne les avons pas encore obtenues officiellement. Si l’on en croit les informations relayées par le secteur, ce rapport constitue un compromis acceptable pour les parties représentées, notamment pour la FMMCSF. Il semblerait cependant que l’Association belge des syndicats médicaux (Absym) se soit distanciée de certaines propositions.
Les éléments suivants sont notamment évoqués dans les recommandations : une nouvelle dénomination pour les pratiques de groupe au forfait, l’accent mis sur la pluridisciplinarité, un financement mieux adapté à la patientèle, un renforcement de la transparence au travers d’un rapport annuel, ainsi qu’un siège au Comité de l’assurance soins de santé de l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (Inami).
À ce jour, la ministre n’aurait pas encore pris position, prenant le temps d’analyser en détail les recommandations futures. Nous n’avons donc, à ce jour, aucune information sur la manière dont le pouvoir fédéral envisage de modifier le forfait, ni sur les conséquences éventuelles de ces changements pour les maisons médicales bruxelloises.

Lors de la CIM de la santé publique de ce lundi 2 juillet, ma collègue Mme Jodogne, compétente pour l’agrément des maisons médicales francophones bruxelloises, a réitéré sa demande – déjà formulée en mars – de tenir la CIM au courant de l’évolution de ce dossier.
Mme Jodogne a également sollicité une rencontre bilatérale entre son cabinet et celui de Mme De Block pour aborder la question des spécificités bruxelloises à prendre en compte dans les décisions futures relatives à la révision du système au forfait.
Nous serons donc particulièrement attentifs à ce que cette réforme du financement des maisons médicales fasse l’objet d’un suivi au sein de la CIM. D’autant que c’est à Bruxelles que l’on trouve la plus grande concentration de maisons médicales. En effet, le rapport de KPMG souligne que les maisons médicales sont principalement situées en milieu urbain (88%), dans des zones en pénurie de médecins généralistes et dans des régions défavorisées.
L’apparition de nouvelles maisons médicales a lieu principalement à Bruxelles pour la période de 2007 à 2015. Il semble que la technique du forfait ait suscité certains effets d’aubaine, avec l’apparition, à Bruxelles, de centres qui ne suivent pas les principes des soins de santé primaires qui ont historiquement guidé les maisons médicales, à savoir : l’accessibilité, la multidisciplinarité, la globalité de la prise en charge et la santé communautaire.
Aussi plaidons-nous pour un plus grand contrôle de la qualité de ces structures. Nous réfléchissons, avec la FMMCSF et le cabinet de Mme Jodogne, à une labellisation des maisons médicales.
Par ailleurs, toujours d’après les résultats de l’enquête, les maisons médicales de la Région bruxelloise disposent, en moyenne, de plus de médecins généralistes en formation que dans les autres Régions, et près de la moitié des patients inscrits dans des maisons médicales à Bruxelles bénéficient d’une intervention majorée. C’est en effet dans ce type de structures que les personnes ayant des faibles revenus trouvent une réponse à leurs besoins de soins de santé de première ligne.
Cet audit montre également que les patients ne s’adressent pas uniquement aux maisons médicales pour des problèmes médicaux, en particulier dans les quartiers comptant de nombreux patients de langue étrangère ou défavorisés, ce qui est particulièrement le cas à Bruxelles.
Ils s’y rendent souvent également pour des problèmes psychiques, des questions relatives aux logements sociaux, une mise en ordre de l’assurance-maladie ou des problèmes de langue.
Les résultats de l’étude sur les médecins généralistes en Région bruxelloise présentée le 8 mai dernier pointent la préférence des jeunes médecins à s’installer dans une pratique de groupe, en particulier multidisciplinaire.
La question des maisons médicales est donc plus que jamais au centre de nos réflexions, en bonne concertation avec le cabinet de Mme Jodogne. Nous serons attentifs aux décisions du gouvernement fédéral en la matière et à leur impact sur le secteur bruxellois.

Mme Catherine Moureaux (PS).– Je suis heureuse d’entendre que cette question est au centre de vos réflexions. Du point de vue tant des besoins de nos habitants que de nos forces de travail en médecine de première ligne, les maisons médicales sont un modèle à défendre absolument pour Bruxelles.
J’aurais voulu plus d’informations sur l’état de vos réflexions autour de la labellisation, que je trouve tout à fait judicieuse, même si ce n’est pas un dossier facile.
Je me permets de vous adresser une recommandation que j’avais déjà adressée à Mme Jodogne lorsque je l’avais interrogée sur ce sujet : je pense que, vu notre État à gouvernances multiples, vous devez demander, pour vous et Mme Jodogne, un poste d’observateur dans la Commission du forfait à l’Inami. En effet, la question du financement des maisons médicales touche directement à vos compétences et à vos capacités d’action. Disposer d’une vision précise et détaillée de cette question est donc la moindre des choses.