Compte rendu : Mme Catherine Moureaux.- J’ai été surprise en début de semaine par un article de presse. Nous avons voté le 13 octobre une ordonnance extraordinaire au bout d’un très long travail parlementaire, visant à mettre en place des tests réels pour détecter les pratiques de discrimination à l’embauche dans les entreprises. Cette ordonnance est entrée en vigueur le 1er janvier dernier et donne un cadre légal aux contrôles par l’administration régionale des entreprises soupçonnées de discrimination. Or, selon cet article, aucun test n’aurait encore été pratiqué. L’administration régionale semblait même dire qu’il y avait peut-être un problème de cadre légal. Confirmez-vous qu’aucun test n’a été effectué ? Je vous avais déjà interrogé sur la question des relations avec le niveau fédéral et le collationnement des diverses sources de plaintes, que sont Unia, Actiris ou le ministère de l’Emploi. Comme le cadre mis en place prévoit qu’il faut au moins deux plaintes pour pratiquer un test de situation à l’encontre d’une entreprise, il faut s’assurer de pouvoir collationner toutes les données provenant de diverses sources. D’après moi, il ne fallait pas attendre de nouvelles plaintes à partir du 1er janvier. Nous pouvons aussi utiliser les plaintes antérieures. Cela a-t-il été fait ? Si oui, de quelle manière ? Comment cela s’est-il passé avec le niveau fédéral et le cabinet du ministre Peeters ? Cette ordonnance marque un tournant, puisque nous allons enfin pouvoir faire quelque chose des plaintes. Il est très important que les gens qui sont victimes de discrimination sachent que contrairement au passé, où il ne servait pratiquement à rien de déposer une plainte, ils doivent le faire aujourd’hui ! Le volet de la sensibilisation est donc essentiel pour la mise en œuvre de cette politique. Qu’avez-vous prévu dans ce cadre ? Youssef Handichi .- Nous avons bataillé pour vous faire entendre que la lutte contre la discrimination sur le marché de l’emploi relevait de vos compétences. À la suite de cela, nous vous avons forcé à adopter une ordonnance. Le PTB vous en a félicité et a voté en faveur de celle-ci. Cependant, nous avions également attiré votre attention sur le fait que si nous ne mettions pas en place des phases de tests proactifs et systématiques sur le marché de l’emploi dans le cadre de cette ordonnance, nous risquions de ne pas atteindre l’objectif visé, qui est de lutter efficacement contre les discriminations. L’article paru le 26 février dans La Dernière Heure pose un premier constat : il importe de mettre en place une véritable phase de test et de donner aux inspecteurs régionaux le pouvoir de mettre la pression de façon proactive sur les entrepreneurs et les patrons qui discriminent notre jeunesse bruxelloise. J’aimerais connaître vos premières impressions à ce sujet. Que tirez-vous comme conclusions ? Êtes-vous prêt à reconsidérer cette phase de test afin de la rendre consistante, au lieu d’attendre des plaintes concernant les tests superficiels prévus actuellement ? Nous savons en effet que neuf victimes sur dix ne portent justement pas plainte. Le Ministre.- Il n’a jamais été question d’autoriser les inspecteurs régionaux à pratiquer des tests de discrimination de manière proactive, et ce pour deux raisons. D’abord, parce qu’Unia est opposé à cette démarche. Son équivalent français, le Défenseur des droits, l’est également. Ensuite, le Conseil d’État nous a indiqué, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, que nous ne pouvions pas procéder de la sorte et entrer ainsi dans une logique de provocation. Chaque niveau de pouvoir doit respecter les autres. Il importe que les lois respectent les décisions du pouvoir judiciaire. À défaut, notre ordonnance serait vidée de son contenu, car toutes les décisions pourraient être attaquées. Je l’ai dit et j’espère que je ne devrai pas le répéter : qui que vous soyez, quelles que soient votre formation politique et votre importance, vous devrez toujours respecter les avis du Conseil d’État et de la Cour de cassation. Je vous en informe. Ce principe doit être intégré dans les paramètres de l’action politique. C’est une garantie essentielle de recevabilité légale des procès-verbaux. Donc, toute autre attitude constituerait le meilleur moyen de détruire l’outil que nous élaborons de manière unique en Europe. Le texte fédéral est beaucoup plus restrictif, car pour réaliser un test, l’autorisation préalable du Parquet est nécessaire. Il est donc de facto vidé de sa substance. Non, on ne peut pas tenir compte des plaintes antérieures au 1er janvier, car l’ordonnance prévoit le principe du consentement de la victime pour transférer son dossier à l’inspection. Or, le dossier d’Unia ne prévoyait pas ce consentement. On ne peut pas aller rechercher une plainte qui n’est pas constituée conformément à l’ordonnance, au risque de se faire débouter lorsque le tribunal du travail la traitera. Puisque vous m’interrogez sur le personnel, je peux vous répondre que l’ensemble des 30 inspecteurs ont été formés. Aucun test n’a encore été réalisé, en effet. Cela veut-il dire qu’il n’y a pas de dossiers et qu’aucune procédure n’est en cours ? Comme ministre, je n’ai pas à intervenir sur ce plan, car il s’agit de procédures judiciaires. Les inspecteurs ont qualité d’officiers de police judiciaire. Je ne peux donc pas intervenir dans leur travail. Je peux vous dire qu’à l’heure actuelle, il y a eu non pas des tests, mais des plaintes. Des dossiers se constituent conformément à l’ordonnance. Avant de réaliser des tests, il est prévu d’intervenir directement auprès de l’entreprise pour la mettre en garde et lui rappeler la législation en vigueur. C’est à cette occasion que nous la prévenons des conséquences en cas de nouveau signalement. C’est ce que prévoit l’ordonnance. Ce principe régit d’ailleurs toutes les procédures judiciaires. On ne peut pas, d’autorité, dresser un procès-verbal sur la base d’une information. Cela permet de faire du chiffre, mais ce n’est pas très efficace, puisque le procès-verbal est ensuite automatiquement rejeté par le tribunal du travail. Il est important de travailler avec sérieux pour mettre en place un dispositif solide et efficace. On évite ainsi de donner des
Discrimination à l’embauche: il faut porter plainte!
Depuis le 1er janvier, un nouvel outil existe à Bruxelles pour lutter contre la discrimination à l’embauche : Le testing des entreprises. C’est unique en Europe ! Aujourd’hui, aucun test n’a encore été réalisé. Pourquoi⁉ Car il faut au moins que 2 plaintes soient déposées contre le même employeur ou la même entreprise. Une seule solution pour activer ce dispositif novateur : porter plainte ! Vous pensez avoir été victime de discrimination lors d’une procédure d’engagement ? Dites-le ! Au guichet des plaintes chez Actiris http://www.actiris.be/…/fr…/Guichet-anti-discrimination.aspx A votre syndicat A UNIA https://www.unia.be/fr/signaler-une-discrimination
Quel est l’état d’avancement du volet qualitatif des dispositifs articles 60 et 61? – question du 2 juillet 2015
Mme Catherine Moureaux (PS).- Le 4 juin dernier, je vous interpellais déjà sur les dispositifs articles 60 et 61, en me basant sur l’avis du Conseil économique et social de la Région de Bruxelles-Capitale du 24 avril 2014 relatif à la régionalisation des programmes d’accompagnement visant à réinsérer les bénéficiaires du revenu d’intégration sociale et de l’aide sociale équivalente. Celui-ci indique que « la mise à disposition devrait être mieux encadrée, notamment lors de : – la mise à disposition de travailleurs dans des sociétés commerciales dans le cadre de marchés publics de nettoyage de bâtiments publics ; – la mise à disposition des artistes ; – la substitution d’emplois durables, notamment dans certains services communaux ». Un peu plus loin : « Pour les partenaires sociaux, il est donc nécessaire d’instaurer des balises pour mieux encadrer la mise à disposition en externe chez un employeur privé des art. 60, §7 ». Je me basais également sur l’accord du gouvernement qui le mentionne explicitement. Avez-vous avancé sur ce point ? Les modalités concrètes de l’encadrement par Actiris du volet qualitatif des dispositifs articles 60 et 61 sont-elles déjà établies ? Le cas échéant, quelles sont-elles ? M. Didier Gosuin, ministre.- Oui, le gouvernement a conclu. Les budgets des dispositifs articles 60 et 61 ont été transférés à Actiris, après l’adoption d’un projet d’avenant au contrat de gestion confiant une mission déléguée dont l’objet est d’assurer le suivi de la mesure, qui reste confiée opérationnellement aux CPAS. Ce projet d’avenant a été proposé par le gouvernement au comité de gestion d’Actiris, qui s’est réuni aujourd’hui, le 2 juillet, et l’a approuvé. Le problème est donc réglé sur le plan administratif. Pour votre information, parallèlement à ce projet d’avenant, le gouvernement a déjà pris certaines dispositions. Ainsi, pour chaque nouveau poste à partir du 1er janvier 2016, le dossier devra disposer préalablement à l’entrée en fonction du travailleur : – d’un descriptif de fonction spécifique ; – d’une convention de mise à disposition individuelle précisant les obligations des parties (CPAS, utilisateur, travailleurs) ; – d’une convention d’insertion professionnelle prévoyant un projet d’acquisition de compétences (théoriques, pratiques et/ou sociales) et d’accompagnement durant le contrat de travail, chaque projet d’acquisition étant envisagé dans la perspective d’une validation des compétences. Les aspects d’acquisition de compétences devront être convenus entre les représentants des CPAS, d’Actiris, du Vlaamse Dienst voor Arbeidsbemiddeling en Beroepsopleiding (VDAB) et de Bruxelles-Formation, afin d’assurer la cohérence avec les politiques d’emploi et de formation en œuvre au sein de la Région de Bruxelles-Capitale. Le gouvernement organisera un lieu de concertation à cet égard. Le travail sur le volet qualitatif vise à exécuter la décision d’harmoniser les pratiques entre les CPAS, comme prévu dans la déclaration de politique régionale. Maintenant que le comité de gestion a accepté le projet d’avenant, Actiris devrait nous présenter incessamment des propositions de mise en œuvre. Mme Catherine Moureaux (PS).– Ces réponses sont encourageantes. Avez-vous déjà une idée de la manière dont vous allez organiser la concertation entre les acteurs, notamment avec les CPAS ? M. Didier Gosuin, ministre.- Un travail important doit d’abord être réalisé avec les travailleurs sociaux des CPAS, afin qu’ils intègrent cette notion de volet qualitatif. Même si je ne veux pas généraliser à tous les CPAS, je ne veux plus que l’article 60 soit simplement le mécanisme de renvoi à l’expéditeur : la sécurité sociale nous renvoie quelqu’un qui est passé à travers les mailles du filet, on lui accorde un emploi dans le cadre de l’article 60 et on le renvoie dans les filets de la sécurité sociale. Il faut un accompagnement, voire un volet de formation et de validation des compétences, mais cela implique un changement dans le travail des assistants sociaux, qui en seront informés très concrètement, notamment par le service de validation des compétences ou son pendant néerlandophone. Ensuite, une concertation aura lieu avec les responsables politiques, dont les présidents de CPAS, afin de leur dire combien l’article 60 est un très bon instrument d’insertion dès lors qu’il s’inscrit dans une vision globale d’accompagnement et de validation des compétences. Si les communes sont prêtes à jouer le jeu, elles y trouveront probablement des opportunités et le gouvernement les aidera. Ma volonté sera d’accroître les moyens mis à la disposition des CPAS afin d’augmenter le nombre d’emplois article 60. Toutefois, je ne veux pas d’emblée relever ce nombre pour « faire de l’occupationnel » car, si cela se passe très bien dans certains cas, dans d’autres, on ne fait qu’occuper le travailleur sans considérer la plus-value que pourrait avoir la compétence acquise. Il s’agit d’un changement de mentalité à insuffler, mais avec à la clé un instrument important pour les communes et les CPAS prêts à entrer dans cette logique qualitative. Mme Catherine Moureaux (PS).- Je suis globalement satisfaite de votre réponse. Je vous poserais néanmoins une dernière question. Vous disiez qu’il nous faudra travailler avec les travailleurs sociaux et que le gouvernement aidera par la suite les communes et les CPAS en fonction des besoins et des projets proposés. À vos yeux, cette aide passera par une augmentation du nombre des emplois article 60. Cela revient donc à apporter une aide aux usagers du dispositif. Ne conviendrait-il pas plutôt d’aider directement les travailleurs sociaux ?