Ce 12 mai 2017, en tant que cheffe de groupe du Parti Socialiste, j’ai porté la motion en conflit d’intérêt au Parlement Francophone bruxellois pour faire barrage au texte du MR sur le rachat des années d’étude ! Il faut que le MR se ressaisisse car les enseignants ont besoin de notre soutien à tous! Mon intervention : « Enclencher le mécanisme de motion en conflit d’intérêt n’a rien d’anodin. Si plusieurs partis ont décidé de le faire, c’est parce qu’il nous est possible de défendre les enseignants. Mais je voudrais d’abord revenir sur le contexte général des réformes en pensions. Dans les coulisses du Kazakgate et de Publifin un lent et patient travail est accompli sur les pensions. Son objectif ? Harmoniser les régimes de pension et faire des économies. Plus précisément à l’horizon 2060 faire 731 millions d’euros d’économie par an, tous secteurs confondus, dans cette seule branche « pensions ». Et sur ces 731 millions d’économie, 706 millions – soit 96% des économies- se feraient sur les pensions du secteur public ! Harmonisation oui, mais au prix d’une réforme qui nivelle vers le bas de manière radicale ! Je vous parlais d’un lent et patient travail, ce sont des qualificatifs qu’on pourrait croire positifs. Le problème, outre l’analyse globale que je viens de vous proposer, c’est que la réforme avance par petits pas, sans que du coup on soit capable d’en comprendre la portée précise finale. La réforme avance à petits pas, dans une matière très technique, où la communication peut faire passer des vessies pour des lanternes. Lanternes qui malheureusement n’éclairent pas le bout du tunnel 😉 Aujourd’hui, pour un métier, nous sommes particulièrement préoccupés et nous avons l’opportunité de nous mobiliser, ici en Commission communautaire Française! Il s’agit de nos enseignants. Ainsi en entendant M.Bacquelaine, on pense que les enseignants déjà en place sont en grande partie protégés de la réforme, mais en lisant la note de M.Bacquelaine, on lit bien que ce ne sont que les enseignants déjà en situation de prépension ou de possibilité de prépension au 1er juin 2017, et que ceux qui sont déjà largement entrés dans la carrière devront racheter des années d’étude. Qui aujourd’hui doute encore du rôle primordial des enseignants dans notre société ? Qui croit que ce qu’a décidé le fédéral avec la pension des enseignants n’aura aucun impact sur l’avenir du secteur ? Travailler jusqu’à 68 ans, qui croit que cela créera des vocations ? Chers collègues, « choisir c’est renoncer ». Et en choisissant d’opérer une telle réforme sans concertation, le Gouvernement Fédéral et ici peut-être aussi, le Groupe MR, renonce à la défense des enseignants, à un enseignement de qualité. Il renonce en réalité à une partie de son programme. Ce dernier prévoyait de lutter contre la pénurie d’enseignants en attirant et en retenant justement ceux-ci ! Car le programme 2014 de votre Parti Monsieur Vangoidsenhoven précisait ceci : « Retenir les enseignants demande en priorité des conditions de travail sereines dans toutes les classes. Restaurer l’attractivité du métier pour revaloriser notre système éducatif implique que les efforts portent à la fois sur la formation et le statut socio-économique de l’enseignant. En effet, l’indice socio-économico-culturel du personnel de l’école influence les résultats de manière plus importante que l’indice socio-économique des élèves, et les systèmes les plus performants tendent à donner la priorité au salaire des enseignants et non à la réduction de la taille des classes ». Vous étiez alors préoccupés du statut socio-économique de l’enseignant, du salaire des enseignants ! Jugez-vous sérieusement que la réforme annoncée par vos collègues du fédéral va dans ce sens ? Le sens de vos valeurs reprises dans votre programme ? Est-ce que vous pensez que cette mesure va améliorer la qualité de l’enseignement ? C’est à cette question que vous devez répondre au moment de choisir ce que vous voterez sur cette motion ! Aujourd’hui, l’inquiétude est là. Rien ne garantit aux enseignants l’âge de la pension, ni la reconnaissance de la pénibilité de leur travail, qui était aussi dans votre programme, je pense. Les femmes, avec leur carrière souvent incomplète, et les temps partiels seront les premières victimes de toute mesure inconsidérée en matière de pension des enseignants. L’enseignement est l’un des métiers les plus exigeants qui soit. C’est même un métier épuisant : stress, angoisses, solitude… D’où les départs anticipés, la perte d’attractivité. Il faut inverser la tendance ! Nous devons garantir aux enseignants une formation adaptée à la réalité et reconnaître la pénibilité. Or le budget que vous avez prévu pour la réforme des tantièmes et de la pénibilité aujourd’hui ne pourrait suffire pour les enseignants. La logique strictement budgétaire vous amène dans une impasse. Vous demandez aux partenaires sociaux de négocier dans une enveloppe déjà fermée. Qui en toute hypothèse ne pourrait pas contenir les enseignants… Nous ne pouvons accepter un chat dans un sac dans ce dossier. Il faut aborder la pénibilité en même temps que cette réforme. Il faut intégrer toutes les réformes pensions pour appréhender ce quii va arriver à nos enseignants. Pour cela nous avons besoin de temps. Pour cela nous avons besoin de concertation. Une vraie concertation, pas une présentation des mesures et puis allez hop c’est emballé, c’est pesé. Au nom de mon groupe, j’espère que le dialogue sur ce sujet se tiendra rapidement. Je tiens à le rappeler une dernière fois : les enseignants ont besoin de tout notre soutien ! Nous savons que la situation de Bruxelles est particulière. Le boom démographique mais aussi une hausse de la précarité de sa population nous renforcent dans l’idée qu’aujourd’hui comme demain le corps enseignant devra relever de nombreux défis. Pour cela il faut du personnel dynamique, enthousiaste, aimant son travail et non pas des enseignants usés, lésé par un gouvernement fédéral qui donne l’impression de les mépriser. Légiférer dans la précipitation, et sans concertation, n’est jamais bon. Le dialogue avec le secteur de l’enseignement est inexistant dans cette réforme. C’est un manque de respect. Nous le savons, la culture de concertation et du dialogue n’est pas acquise chez le partenaire privilégié du MR au fédéral (la NVA). Foncer, imposer, fragiliser …c’est
Pour l’intégration de la dimension de genre dans la réforme des pensions
Carte blanche publiée dans le Soir du 23 juin 2015, à l’initiative d’un collectif de députées socialistes(*) dont je fais partie… Des mandataires socialistes des différentes assemblées régionales et fédérale s’adressent au gouvernement dans le cadre de la réforme des pensions et lui demandent de remédier aux inégalités entre femmes et hommes pensionnés. Ce lundi, les partis de l’opposition au fédéral se sont opposés à la tentative de passage en force de la réforme des pensions voulue par le gouvernement Michel. Le même jour, le Conseil d’Etat émettait un très sévère avertissement sur ce projet de réforme dont la conformité avec les lois et la Constitution belges est plus que contestée Face à cette actualité, Le Soir publiait hier un dossier consacré aux conséquences de cette réforme , mais un enjeu crucial a été éludé du débat : l’impact de cette réforme des pensions sur les femmes. Le Conseil d’Etat a mis en garde le gouvernement contre une possible rupture de l’égalité entre les belges et l’on sait que les pensions de femmes sont un des révélateurs les plus criants des rapports sociaux et de genre encore très inégalitaires dans notre pays. C’est pourquoi, nous, femmes et députées socialistes de différentes assemblées, tenons à remettre cette question au centre du débat et appelons le gouvernement à prendre en compte la dimension de genre dans sa réforme, faute de quoi, les inégalités entre hommes et femmes ne feraient que s’accentuer. En Belgique, en 2015, cette perspective est inacceptable. Des inégalités déjà présentes… Le régime des pensions en Belgique est constitué de trois piliers : la pension légale, les pensions complémentaires (2e pilier) et l’épargne pension individuelle. Les femmes sont les premières victimes des inégalités liées à ce système. Le premier pilier, celui de la pension de retraite, montre que la pension des femmes est nettement plus basse que celle des hommes : 698 euros brut/mois en moyenne pour une femme isolée contre 953 euros brut/mois (1) pour un homme dans la même situation. Par ailleurs, elles sont nombreuses à travailler dans des secteurs « pauvres » qui n’offrent pas de 2e pilier (les secteurs sociaux, les soins de santé, les petits commerces, etc.). Enfin, n’oublions pas la différence de salaire existant entre hommes et femmes tous secteurs confondus, qui s’élève encore à 20% qui les empêche bien souvent de se constituer une épargne individuelle ! …Qui se creuseront davantage avec la nouvelle réforme Le durcissement de l’accès à la pension anticipée prévu dans l’accord de gouvernement Michel Ier prévoit une augmentation de l’âge minimum et de la condition de carrière. Ainsi d’ici l’horizon 2019, il faudra avoir travaillé 44 ans pour pouvoir partir en pension anticipée à 60 ans, autrement dit avoir travaillé sans discontinuité depuis ses 16 ans. Si tel n’est pas le cas, il faudra attendre 63 ans, à condition d’avoir une carrière de 42 ans. Les femmes, qui ont plus souvent arrêté de travailler pendant quelques années, souvent pour élever leurs enfants en bas âge, seront d’autant plus touchées par cette mesure. En pratique, elles seront très nombreuses à devoir travailler jusqu’à l’âge légal de 67 ans en 2030. Ainsi, 53,51% des femmes salariées et 82,39% des femmes indépendantes devront travailler jusqu’à 67 ans, faute d’une carrière suffisante pour prendre leur pension plus tôt (2). Le gouvernement a également appliqué depuis le 1er janvier 2015 la suppression de l’indemnisation du crédit-temps sans motif et le contrôle durci des motifs désormais autorisés (congé parental, congés pour soins palliatifs et assistance à une personne gravement malade). Les femmes qui étaient plus nombreuses à y avoir recours pour prendre soin d’un proche ne pourront plus comptabiliser ce crédit-temps dans le calcul de leur pension. Même si nous souhaitons ardemment que celles-ci appartiennent au passé, il est primordial de prendre en compte les réalités inhérentes aux rôles sociaux stéréotypés des femmes et des hommes. Ceci est une priorité à laquelle le gouvernement doit s’attacher sous peine d’accroitre davantage les disparités déjà existantes entre hommes et femmes face à la pension et pire, de plonger de nombreuses femmes sous le seuil de pauvreté. A l’instar du Conseil de l’Egalité des Chances entre les Hommes et les Femmes, nous regrettons qu’aucune analyse n’ait été produite sur l’impact de la réforme des pensions sur les femmes salariées (3). Ceci est d’autant plus interpellant qu’en 2007, une loi visant à l’intégration de la dimension du genre dans l’ensemble des politiques fédérales a été votée (4). C’est pourquoi, nous, femmes et députées PS de différentes assemblées, demandons au gouvernement d’apporter une attention toute particulière à la dimension de genre dans sa réforme des pensions. Nous soutenons les revendications des associations féministes (5) et nous lui demandons: – Une meilleure prise en compte des périodes de travail à temps partiel dans le calcul de la pension – Le maintien des périodes de crédit-temps sans motif dans ce calcul – Le renforcement du 1er pilier, à savoir la pension légale. – La fin de toutes les mesures qui favorisent le couple à un seul revenu. – La fin de toutes les mesures qui favorisent le travail à temps partiel. – L’individualisation des droits sociaux. – Enfin, nous lui demandons de consulter le Conseil de l’Egalité des Chances entre les Hommes et les Femmes avant l’adoption en dernière lecture de la réforme des pensions. (1) ONP, statistiques annuelles 2013. (2) Chiffres communiqués par le ministre des Pensions suite à une question écrite de Frédéric Daerden le 15/12/2014. (3) Avis n°147 du Conseil de l’Egalité entre les Hommes et les Femmes du 29 mai 2015. (4) Loi du 12 janvier 2007 visant au contrôle de l’application des résolutions de la conférence mondiale sur les femmes réunie à Pékin en septembre 1995 et intégrant la dimension du genre dans l’ensemble des politiques fédérales. (5) Ces revendications ont été avancées par les Femmes Prévoyantes Socialistes et plus largement par la Plateforme Féministe Socio-Economique qui dénonce l’impact des mesures d’austérité sur les femmes. (*) Signataires : Véronique Bonni, députée à la Région wallone