Ce 24 mai 2016, la Commission du Parlement francophone bruxellois dédiée aux Relations Internationales a adopté une proposition de résolution relative à l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada, mieux connue sous le nom de CETA. Texte adopté: Proposition de résolution relative à l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada (AECG/CETA)
La Matrice Europe
Mon article paru dans Lalibre du 14 juillet 2015 sous le titre: « Comment la crise grecque ébranle-t-elle l’Europe » Dans la lutte qu’il incarna de la démocratie contre la « dettocratie », et même dans la défaite qui semble consommée, Alexis Tsipras rappelle la figure de Néo, ce personnage de fiction dont le combat inégal contre la Matrice va permettre progressivement d’en saisir les contours et d’en percevoir la teneur. Dans le film de science-fiction de 1999 réalisé par les frères Wachowski, la réalité est occultée et les humains sont gardés sous contrôle dans un monde virtuel. Il est plaisant de relever que la philosophie de ce chef-d’œuvre populaire du septième art semble inspirée de l’Allégorie de la caverne de Platon : le penseur grec avait déjà imaginé, il y a quelques 25 siècles, cette allégorie de l’humanité enchaînée et incapable de percevoir autre chose que l’ombre de la réalité. Bien sûr, l’analogie est grossière et, prise au premier degré, facilement réfutable. Il suffit d’expliquer que les machines ne dominent pas le monde, et qu’à l’ère des médias de masse, tout le monde a la liberté de s’informer et de poser des choix en connaissance de cause. Il n’empêche que la crise grecque a tout de même eu le mérite de mettre la lumière sur des institutions et des logiques « matricielles ». Aujourd’hui, les citoyens européens dans leur grande majorité sont convaincus de vivre dans un système démocratique. Ils sont un peu moins nombreux à se reconnaître dans les dirigeants qu’ils ont élus et qui les représentent. Et, depuis la crise dite de la dette souveraine à la fin de la première décennie du XXIe siècle, il leur apparaît de plus en plus qu’ils sont exclus d’une part importante de la prise de décision. En effet, les états du sud de la Zone euro ont progressivement été mis sous la tutelle de structures technocratiques, dont la finalité est la stabilité de la monnaie unique. Or celles-ci ne conçoivent le salut de l’euro que par l’application de politiques d’austérité. Des pays comme la Grèce, mais aussi l’Espagne et le Portugal, ploient désormais sous le joug d’un néocolonialisme économique ; c’est aujourd’hui clairement à Bruxelles, Berlin ou Francfort que les centres de décision se trouvent. Beaucoup de choses ont été écrites par des experts plus autorisés que moi sur l’austérité et le fait qu’elle peut être un facteur aggravant de la détérioration de l’économie. Je n’ai pas la prétention d’apporter de nouveaux éléments de réflexion par rapport à l’analyse de différentes sommités comme Krugman ou Stiglitz. Par contre, je tiens à mettre en exergue les douloureux soubresauts causés par l’agonie démocratique vécue par le vieux continent. Les électeurs grecs savent maintenant que s’ils votent Papandreou, Samaras ou Tsipras, ce sera en définitive Djisselbloem, Merkel ou Schaüble qui décideront de leur destinée. Cette assertion est implacable, même si quelques belles âmes pourront s’insurger en disant que les Grecs sont en partie responsables de la situation dramatique de leur pays et qu’il ne tient qu’à eux de sortir de l’euro, s’ils ne veulent pas accepter les « propositions » de la tutelle. Quel démocrate digne de ce nom pourra arguer sérieusement que des choix passés en matière de politiques publiques, choix certes critiquables, justifient la confiscation fût-elle partielle de la souveraineté populaire ? Les faucons de l’Eurogroupe ont-ils voulu également envoyer un signal aux électeurs espagnols ? Leur indiquant que si, en novembre, ils auront bien formellement le choix entre Rajoy, Sanchez et Iglesias, la politique suivie lors de la législature à venir sera celle décidée par Djisselbloem, Merkel et Schaüble. Ce qui se joue en ce moment, c’est peut-être ni plus ni moins que le rétablissement du suffrage censitaire au niveau européen où les voix des électeurs espagnols ou grecs comptent moins que celle des allemands ou des finlandais. Tsipras avait-il le choix ? Non, si l’on considère que l’opinion publique grecque n’était pas prête à accepter une sortie de l’euro. Le gouvernement a tenté de combiner le respect de ses promesses électorales généreuses et le maintien coûte que coûte dans un cadre très étriqué –l’euro-. Le combat était sans doute perdu d’avance. Peut-être aurait-il vraisemblablement dû élargir le champ des possibles en envisageant de sortir du cadre. Mais on touche ici à un des fondements de l’illusion démocratique européenne, une autre partie, assez efficace, de la Matrice. Pendant des années s’est propagée l’idée dans les opinions publiques des états de l’Union Européenne que l’Europe est intrinsèquement porteuse de paix et de développement. Il n’est donc pas évident que les populations soient en capacité de constater que le modèle social européen tant vanté s’est progressivement converti en un paradigme néolibéral européen qui effraie jusqu’aux économistes libéraux des États-Unis, pays souvent considéré comme la référence en matière de capitalisme. On peut d’ailleurs se demander si l’intervention américaine n’a pas été décisive dans l’humiliant« sauvetage » de la Grèce qui se dessine. Obama et son Secrétaire d’État au Trésor, Jack Lew, sont en effet intervenus à plusieurs reprises pour plaider en faveur du maintien de la Grèce dans la Zone euro. Sans doute ne voulaient-ils pas que la Russie, qui avait fait offre de service, prenne la main sur le dossier ? Cette considération nous éloigne du sujet, mais elle met du plomb dans l’aile de ceux qui voient en la construction européenne la perspective de l’émergence d’un contrepoids aux USA… Autre rebord de la Matrice ? Et maintenant ? Cela ne sert à rien d’accabler le gouvernement grec qui, tel le poisson dans la nasse, a essayé de faire bouger les lignes en Europe. Il faudra suivre l’évolution du dossier dans les jours qui viennent et en particulier comprendre si des avancées peuvent être ou ont été engrangées pour ce qui est de la restructuration de la dette, ce qui était la première des priorités de Tsipras. Aujourd’hui il ne s’agit pas de faire le choix entre le nationalisme et l’européisme, car il a été démontré qu’ils sont tous deux franchement compatibles
Pour l’adoption d’un accord de coopération avec la Tunisie
La Tunisie a été violemment touché par un fléau : le terrorisme. Ce pays mérite tout notre soutien. En séance plénière du vendredi 29 mai du Parlement francophone bruxellois, j’interpellais la Ministre Frémault sur la nécessité de passer un accord de coopération avec la Tunisie. Voici sa réponse… INTERPELLATION DE MME CATHERINE MOUREAUX À MME CÉLINE FREMAULT, MINISTRE EN CHARGE DES RELATIONS INTERNATIONALES CONCERNANT L’ADOPTION PAR LA COMMISSION COMMUNAUTAIRE FRANÇAISE D’UN ACCORD DE COOPÉRATION AVEC LA TUNISIE Mme Catherine Moureaux (PS).- La journée du 18 mars 2015 restera gravée dans nos mémoires de femmes, d’hommes, de démocrates et dans l’histoire de nos sociétés comme celle où la folie meurtrière du fanatisme a ouvert un nouveau front dans sa guerre contre la modernité. À cette occasion, nous avons vu 22 innocents, des touristes pour la plupart, tomber de la main d’intégristes, pour être venus admirer les splendeurs de Carthage au Musée du Bardo à Tunis. Cette entreprise mortifère et insensée avait en réalité pour but de punir le peuple tunisien de s’être dressé contre la satrapie et pris ainsi sa liberté. Les femmes et les hommes libres se dressent aujourd’hui en France, en Belgique, en Tunisie et à travers le monde, contre une armée d’esclaves d’une idéologie mortifère qui vomit des fantassins malades dans les rues européennes, africaines ou tunisiennes. Aujourd’hui, on tente de mettre à mal le moral du peuple tunisien en s’attaquant à son histoire et à son économie. Les touristes n’affluent plus à Tunis. Aujourd’hui, chacun d’entre nous, dans son for intérieur, doit se poser la question de savoir si lors de ses prochaines vacances, il ne ferait pas mieux d’aller soutenir ce pays plutôt qu’un autre. Il en a besoin. Notre devoir, Madame la ministre, c’est d’être aujourd’hui aux côtés des Tunisiens et d’apporter tout notre soutien à leurs efforts à surpasser les épreuves auxquelles ils font face. La Fédération Wallonie-Bruxelles et la Région wallonne sont déjà associées à la Tunisie par l’Accord de coopération du 30 septembre 1998. La Commission communautaire française, malgré sa présence dans la délégation de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui participe aux travaux de la commission mixte permanente (CMP) instaurée par l’Accord, n’en est pas elle-même signataire. Le site internet de la Commission communautaire française qualifie la coopération entre la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Région wallonne d’une part et la Tunisie de l’autre comme ayant des « effets extrêmement positifs ». Une série de gestes forts ont été posés en Fédération Wallonie-Bruxelles et notamment, à la suite des attentats, le vote du 16 mars dernier d’une résolution visant à soutenir la Tunisie dans la consolidation d’un État de droit. En ce qui concerne la situation de la Commission communautaire française, son site web informe qu’il a été proposé à la Tunisie de signer un accord complémentaire avec la Commission communautaire française. Selon la page datée d’avril 2014, cette signature serait en cours. Si on fait une recherche récente, à ma connaissance, nous n’avons pas encore eu à nous prononcer sur un accord de coopération avec la Tunisie. Sur une autre page du site web de la Commission communautaire française, il est aussi mentionné que les associations peuvent entrer « des projets menés à l’initiative des associations bruxelloises et réalisées dans le cadre des accords de coopération signés par la Commission communautaire française, à savoir l’Algérie, le Bénin, la Bulgarie, le Congo, le Liban, le Maroc, les Pays-Bas, la Pologne, le Québec, la Roumanie, le Sénégal, la Tunisie, le Vietnam, la Hongrie, la Croatie et la Turquie ». Nous ne comprenons plus rien… Existe-t-il un accord de coopération, ou pas ? Le statut de notre collaboration avec la Tunisie est assez particulier, et je le regrette. Où en est le processus de signature de l’accord de coopération spécifique entre la Commission communautaire française et la Tunisie ? Quand le texte sera-t-il soumis à notre parlement pour assentiment ? (Applaudissements sur les bancs du groupe PS) Mme la présidente.- La parole est à Mme Fremault. Mme Céline Fremault, ministre.- Comme vous l’avez souligné, le 18 mars a été un jour de chaos et d’horreur pour la Tunisie, avec ce terrible attentant terroriste qui a frappé les visiteurs du musée du Bardo à Tunis. Ce musée, le deuxième plus important du continent africain, était l’ambassadeur des différentes cultures qui ont influencé ce pays. On y trouve ainsi des vestiges de l’Antiquité (grecque, romaine ou carthaginoise) aussi bien que des œuvres majeures de l’art islamique tel le Coran bleu de Kairouan. Le monde a ainsi été plongé dans l’horreur en apprenant la mort de ces 21 innocents, frappés de plein fouet par la barbarie et l’obscurantisme. Nous ne pouvons que nous associer à la douleur des Tunisiens. Comme vous l’avez évoqué, la coopération entre Wallonie-Bruxelles international et la Tunisie ne date pas d’hier. En 1998, un accord de coopération lie les entités fédérées francophone (Fédération Wallonie-Bruxelles et Région wallonne) à la Tunisie. Le partenariat concerne des matières variées telles que la Formation professionnelle, l’Audiovisuel, l’Enseignement supérieur, l’Agriculture, l’Environnement, le Tourisme, l’Education, la Recherche scientifique, la Santé, la Jeunesse… La Commission communautaire française n’avait, à l’époque, pas été associée à la signature de l’accord de coopération. Cela ne l’empêche toutefois pas d’être présente lors des travaux de la Commission mixte permanente. Ainsi, lors de la dernière Commission mixte permanente (CMP), un projet de Bruxelles Formation était repris, en partenariat avec le Centre national de formation de formateurs et d’Ingénierie de formation (CENAFFIF). Le projet visait à améliorer l’apprentissage du français technique et économique par un échange sur l’organisation de l’apprentissage des langues ciblées métiers dans les parcours de formation et sur les techniques et outils d’apprentissage développés à Bruxelles Formation-langues pour l’apprentissage du français. La CMP avec la Tunisie doit se renouveler cette année et il y a fort à parier que certains opérateurs de la Commission communautaire française se manifesteront. À la fin des années 2000, la Commission communautaire française a émis le souhait de devenir, elle aussi, signataire d’un accord de coopération avec la Tunisie. Le régime en place et
Rencontre avec Marcha Patriotica
En marge de la campagne, en avril, j’avais eu l’occasion d’accueillir au Parlement Bruxellois une délégation de l’association colombienne « Marcha Patriotica ». Ce fut un moment très enrichissant et je profite de l’agenda parlementaire un peu moins chargé pour vous le raconter. « Marcha Patriotica » a été créée en 2010, dans la foulée du bicentenaire du début des luttes pour l’indépendance de l’Amérique latine. Aujourd’hui plus de 2000 structures locales, politiques et sociales composent cette plate-forme pluraliste ! Ces associations se sont unies pour revendiquer la défense des droits sociaux, économiques et politiques en Colombie. L’organisation mobilise des étudiants, des ouvriers, et un grand nombre de paysans contre les dérives du néo-libéralisme, particulièrement prégnantes la-bas. « Marcha patriotica » promeut par ailleurs une solution politique au conflit armé qui sévit dans le pays depuis 60 ans. Les militants que j’ai rencontrés m’ont sensibilisée à la campagne Yo te nombro libertad (« je te nomme liberté ») qu’ils ont lancée récemment. Cette campagne attire l’attention sur les près de 9500 prisonniers politiques actuellement retenus dans les geôles colombiennes. Le cas le plus emblématique de l’injustice ressentie par les populations est celui du leader paysan Huber Ballesteros. Celui-ci est emprisonné depuis le 25 aout 2013, le tout début de la première Grève Agraire Nationale ! Ce n’est donc malheureusement pas un hasard si l’Organisation Internationale du Travail pointe régulièrement la Colombie comme un des états où l’exercice des droits syndicaux est le plus malmené. De manière générale, en les écoutant, j’ai repris conscience de ce qu’en Europe nous ne sommes pas suffisamment informés de l’évolution des luttes sociales d’Amérique Latine. Les informations qui nous parviennent sur ces enjeux sont trop souvent parcellaires, et souvent…partiales. Et, à l’heure où le Traité de Libre-Echange Transatlantique est sur la sellette en Europe, il est bon de prendre connaissance des conséquences qu’a eu la signature d’un traité similaire en Colombie… Je suis donc très heureuse d’avoir pu les entendre, apprendre de leur expérience et leur manifester mon soutien. Parce qu’il est un devoir, en tant que députée socialiste, d’exprimer sa solidarité avec tous ceux qui, en Colombie ou ailleurs, combattent pour leurs droits sociaux, économiques et politiques !