Ce mercredi 7 juin 2017, le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a adopté la résolution concernant la ségrégation ciblée à l’encontre des métis issus de la colonisation belge et ses conséquences dramatiques, en ce compris les adoptions forcées. Mon intervention ci-dessous: « Monsieur le Président, chers collègues, c’est un honneur pour moi de vous présenter ce travail. C’est la continuation d’un travail entamé il y a plusieurs mois au Parlement francophone bruxellois, où toutes les familles politiques présentes aujourd’hui sont présentes et où nous avons travaillé de manière assez originale, soutenue et dans une unanimité presque parfaite, sur le thème. Nous y avons travaillé sur une forme qui n’existe pas malheureusement dans notre règlement ici et peut être pour les chefs de groupe présents, c’est quelque chose qui pourrait être développé. Nous avons travaillé à une résolution endossée par la commission des Affaires générales du Parlement francophone bruxellois. Cette modalité n’existe pas dans notre règlement, et c’est dommage. Nous y avons travaillé sous une forme qui n’est pas proposée dans notre règlement ici. C’est dommage, car, pour des questions comme celle-ci, cela pourrait être judicieux de manière à endosser largement des textes qui ont un caractère un peu particulier comme celui que je vais présenter aujourd’hui. De quoi s’agit-il? Il s’agit de l’histoire de la colonisation, de la décolonisation et de l’indépendance. Il s’agit de l’histoire de plus de 10 000 enfants se déroulant sur une période s’étendant du début du XXe siècle à 1960. Plus de 10 000 enfants donc qui ont été séparés de leurs parents par l’État, par les institutions religieuses, au motif, au seul motif qu’ils avaient une couleur de peau qui n’était pas la bonne.Ces enfants étaient métis, ces enfants étaient issus pour la plupart issus d’unions entre des pères blancs et des mères originaires d’Afrique subsaharienne – avec quelques cas, très rares, dans l’autre sens. Laissez-moi vous lire tout d’abord deux témoignages. Pour commencer, voici celui d’Evelyne Schmit qui a aujourd’hui65 ans. Il a été recueilli en 2016. Elle témoigne dans un magnifique reportage que je vous conseille, intitulé «La couleur du péché». « La couleur du péché », c’est la manière dont les missionnaires et les sœurs parlaient des métis. Voici ce qu’elle a raconté: «À deux ans et demi, mon père Pierre Schmit est venu m’arracher des bras de ma mère. Il attendait que je sois propre pour pouvoir me placer dans un internat spécial pour métis. Il a dû s’y reprendre à plusieurs fois pour me trouver, car ma mère me cachait à chaque fois qu’il venait. Il a d’ailleurs fini par m’emmener de force.» Elle dit ensuite: «La plupart des pères blancs ne voulaient pas que leur enfant métis grandisse dans la culture africaine. Ils voulaient qu’on reçoive une éducation occidentale, qu’on s’habille, qu’on mange et qu’on parle comme des blancs.» Sur son enfance moins précoce, lorsqu’elle était à l’orphelinat, elle dit encore: «Je me rappelle que nous nous demandions souvent pourquoi nous étions loin de nos parents, qu’avions-nous fait pour être mis à l’écart? Nous en avons déduit que c’était à cause de notre couleur de peau. Il y avait les Blancs, les Noirs et puis il y avait nous.» Le commentateur du reportage dit alors: «Il faut dire que les métis ne viennent pas seuls à cette conclusion». Il explique alors que les missionnaires rappelaient souvent aux métis que leur peau portait «la couleur du péché». Evelyne Schmit dit encore bien plus tard: «Il y a quelque chose qui nous a tous fait souffrir et qui a forgé notre identité commune. C’est le sentiment de n’appartenir à aucun groupe, de toujours passer pour l’étranger. En Afrique, on me pointait du doigt dans la rue. On se moquait parfois de moi. En Belgique, les parents ne laissaient pas leurs enfants jouer avec moi à cause de ma couleur de peau et de ma situation d’orpheline. Aux États-Unis, les gens de la communauté afro-américaine m’ont rejetée en apprenant que mon père était blanc. Partout où j’ai vécu, le même schéma se répétait: il y avait les Noirs, les Blancs et puis moi, là, entre les deux.» Ce témoignage est poignant et nous montre combien limiter une personne à sa couleur de peau peut faire des dégâts. Ici on passe par les métis pour cela mais c’est clair que la dichotomie identitaire, c’est quelque chose qui fait des dégâts terribles dans nos sociétés encore aujourd’hui. J’aimerais maintenant vous lire le témoignage de Madeleine Apendeki, mère d’enfants métis. Cette dame avait deux filles qui lui ont été enlevées. Son témoignage a été recueilli il y a bien des années en 1986 à Uvira au Congo. Madeleine Apendeki dit ceci: «La sœur Edmée m’a dit que cette dame est venue d’Europe et s’est rendue au parquet afin de demander une autorisation d’aller chercher un enfant à l’internat de Save, car elle n’avait pas d’enfant.» Précisons que l’internat de Save est un internat souvent mentionné lorsqu’on parle de cette thématique. C’est un internat du Rwanda, duquel sont venus près de 300 enfants en Belgique à l’indépendance. «Quand elle est arrivée à Save, la dame venue d’Europe a choisi votre fille et c’est pour cela qu’on vient vous demander si vous acceptez que votre fille aille en Europe pour continuer ses études à charge de cette dame.» Madeleine Apendeki poursuit: «J’ai refusé catégoriquement. La sœur Edmée a essayé de me calmer, mais j’ai refusé. Ils ont dû fuir avec l’enfant dans la voiture. J’ai essayé de courir après la voiture, mais c’était impossible.» Plus tard dans son témoignage, elle dit: «Je demande à mes enfants de ne pas penser que je les ai abandonnées.»Vous voyez les traumatismes subis de part et d’autre. Avant de continuer, à ce stade, je voudrais remercier l’Association des Métis de Belgique (AMB) parce que nous avons travaillé pratiquement «main dans la main» au Parlement francophone bruxellois. C’était un travail très original et intéressant. Nous avons pu entendre les témoignages de ces personnes. Je voudrais remercier en particulier François Milliex, président de l’AMB, et son épouse ainsi que Charles Géradin, vice-président
57 ans après, début de la reconnaissance de la ségrégation des métis issus de la colonisation belge
Ce vendredi 24 février, nous avons adopté la résolution concernant la ségrégation ciblée à l’encontre des métis issus de la colonisation belge et ses conséquences dramatiques, en ce compris les adoptions forcées en commission du budget du Parlement francophone bruxellois. Mon intervention et la résolution ci-dessous: Madame la présidente, chers collègues, Je suis très heureuse, et très fière, de pouvoir apporter mon soutien au texte de résolution qui est aujourd’hui à l’ordre du jour. Nous sommes aujourd’hui en présence de quelque chose de plus qu’une résolution. C’est un travail d’introspection. Ce texte nous permet en effet de réaliser un examen de conscience de ce que nous sommes – nous élus du peuple belge. Quel bilan pouvons-nous tirer des accomplissements – glorieux comme odieux – de la société que nous représentons, aujourd’hui comme dans le passé ? Est-ce que nous utilisons à bon escient cette petite part de représentativité temporaire et de cette confiance dont nos concitoyens nous gratifient ? Est-ce que les institutions que nous bâtissons jour après jour servent toujours au mieux notre société ? Est-ce que nous les améliorons ? Est-ce qu’elles ont toujours été exemplaires ? Est-ce qu’aujourd’hui nous pouvons regarder droit dans les yeux nos amis de l’Association des Métis de Belgique et leur dire que tout va bien et que nous sommes droits dans nos bottes, avec la paix dans l’âme ? La réponse est évidemment non. Au cours des derniers mois nous nous sommes plongés, au cours de nombreuses réunions de travail, en lisant les ouvrages comme celui d’Assumani Budagawa, dans notre propre passé. Il y a un petit siècle à peine, notre société belge, bourgeoise, positiviste, instruite, civilisée, industrialisée, organisait un régime par bien des aspects criminel. Notre res publica constitutionnelle, parlementaire et démocratique perpétrait des crimes en-dehors de ses frontières. La main sur le cœur, un exemplaire de notre Constitution libérale consacrant les droits de l’Homme dans l’autre main, le colonisateur belge bâtissait ses institutions prétendument modernisatrices. Un crime auquel tout le monde se livre et dont personne ne s’émeut perd son statut de crime, c’est-à-dire de tabou interdit et sanctionné par la société. L’exploitation des richesses naturelles et des populations d’Afrique était légitimée par une idéologie raciste qui travestissait le crime avec un voile d’œuvre civilisatrice. Non seulement le crime n’était plus le crime, mais il était même un apport de civilisation à ceux qui en étaient privés. Le crime était donc positif. Chers collègues, Nous sommes aujourd’hui très loin d’avoir fait le bilan de tous les méfaits commis en Afrique et de par le monde dans le contexte du colonialisme. À mesure que cette période s’éloigne de nous, les crimes de nos aïeuls deviennent une abstraction pour des gens qui ne les comprennent pas ou ne les connaissent pas. La psychique est ainsi faite que nous avons tendance à oublier nos défauts et nos erreurs pour construire une image favorable de nous-mêmes ou de la communauté humaine à laquelle nous appartenons. Dans ce contexte la facilité tendrait à nous amener à oublier les crimes du passé de notre pays. C’est plus confortable de balayer cela sous le tapis, d’autant plus que bientôt plus aucun témoin, victime ni auteur de ces crimes ne sera plus là pour en parler. Ce n’est pas ainsi que je fonctionne, et ce n’est pas ainsi que fonctionne mon Parti. Ce n’est en principe même pas la philosophie sur laquelle notre pays est fondé. « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». C’est le libellé de l’article 1382 du Code civil, en vigueur dans nos régions depuis plus longtemps que notre Constitution. La philosophie dont cette courte phrase est porteuse est à la base de l’ordre auquel l’État belge est également soumis. Cela veut dire qu’aujourd’hui l’État belge est tenu de réparer les crimes commis en son nom par le passé. La première chose est de reconnaître ces crimes et les dommages, les souffrances qu’ils ont causé à leurs victimes, parmi lesquelles figurent les métis. Chers amis, Nous vous avons entendu. Nous vous avons compris. Nous reconnaissons pleinement vos souffrances et le lien de causalité entre celles-ci et les crimes que nos aïeuls ont perpétré au nom de l’État belge. À la modeste échelle de la Commission Communautaire Française, de son Assemblée que nous formons, et des compétences dont elle est dépositaire, en notre qualités de citoyens, d’élus, de libre-exaministes et de démocrates nous initions aujourd’hui un travail commun. Un travail de mémoire tout d’abord. Un travail de conscientisation et de renversement de la tendance. Par notre résolution d’aujourd’hui nous posons les jalons d’une enquête scientifique qui donnera lieu à une reconnaissance des crimes, à des excuses officielles et à des réparations. La finalité de l’article 1382 du Code civil que j’ai cité est la restauration d’un équilibre rompu, de serait-ce que de manière symbolique, par une compensation. Comment rendre à un homme ou à une femme les années passées loin de sa mère ? Le minimum c’est de l’aider à la retrouver. Le temps n’a malheureusement pas attendu. Certains ne retrouveront peut-être pas leur mère. Mais il est dans l’obligation de l’État belge de leur fournir des réponses à leurs questions. Qui suis-je comme individu ? Quel nom est-ce que je porte ? Est-ce qu’il y en a beaucoup d’autres dans ma situation, se posant les mêmes questions ? Ai-je un frère ou une sœur quelque part, dont j’ignore l’existence ? Je suis aujourd’hui fière que le Parlement francophone Bruxellois écrive aujourd’hui la première page d’un chapitre, que nous espérons plus heureux, de la vie des métis que l’État belge a bouleversé et assombri dès leur naissance. Je remercie mes collègues de la majorité comme de l’opposition pour ce travail commun qui se poursuivra dans d’autres assemblées parlementaires de notre pays. Je vous remercie de votre attention. Retrouvez la résolution en cliquant sur ce lien: résolution concernant la ségrégation ciblée à l’encontre des métis issus de la colonisation belge et ses conséquences dramatiques, en ce compris les adoptions forcées
VIDEO – Un nouveau plan pour lutter contre la discrimination à l’embauche!
Pour une laïcité espace de liberté et non mur d’intolérance! – Carte blanche
En tant que laïque et démocrate, je suis souvent interpellée par ce que je juge être une application inadaptée et infondée de principes auxquels je suis pourtant viscéralement attachée. Notre démocratie est malmenée aujourd’hui par certains de ses ennemis les plus irréductibles. Et notre combat pour elle doit être sans concession. Mais son dévoiement par ceux qui prétendent la défendre en l’atténuant doit également être implacablement dénoncé. J’ai fait le choix d’inscrire mes enfants dans l’École Publique. Parce qu’elle me semble être le seul lieu où les idéaux de liberté et d’égalité peuvent être transmis et valorisés. Lorsque que je me rends dans les établissements concernés, je croise d’autres mamans. Ce qui me saute aux yeux en leur présence, ce n’est pas le voile qui recouvre certaines d’entre elles mais plutôt leur aspiration, légitime, à toutes, à assurer un avenir meilleur pour leurs enfants. Rien ne saurait justifier que ces citoyennes voient leurs droits fondamentaux réduits en raison d’une conception discutable de la neutralité. Une grave violence symbolique Bien sûr, l’École doit être un sanctuaire pour les enfants. L’Ecole doit leur permette d’accéder à l’émancipation, quelles que soient l’origine culturelle ou sociale de leurs parents. Elle doit aussi être un lieu d’exercice d’une citoyenneté critique et ouverte. L’apprentissage de celle-ci s’avérera précieuse lorsqu’ils seront amenés en tant qu’adulte à devenir des acteurs de notre société démocratique. Dès lors, on peut se poser la question du message qui leur est transmis lorsqu’ils voient leurs mères subir ce que l’on peut qualifier de discrimination institutionnalisée. Et qui constitue à tout coup, une grave violence symbolique. Même dans la très laïque République française, il s’est trouvé des voix, et non des moindres pour refuser de traiter de manière différenciée des mères qui n’ont pour seul tort que celui de porter un signe convictionnel. De Najat Vallaud Belkacem à Caroline Fourest, personnalités pouvant difficilement être perçues comme complaisantes envers les religions, nous avons entendu une opposition claire en France à ce que les mamans voilées soient exclues d’activités scolaires auxquelles d’autre parents avaient accès. « Accomodement raisonnable » Je peux entendre et même comprendre les craintes de certains par rapport à la résurgence du fait religieux dans notre société. Les mêmes fustigent les « accommodements raisonnables » qu’ils vouent aux gémonies. Formée à la Médecine dans une université dont la devise est que « la science vaincra les ténèbres », je suis convaincue qu’il faut protéger la liberté de conscience et rejeter les dogmes. Je tiens toutefois à rappeler que la Belgique repose sur un gros, un énorme « accommodement raisonnable »! Se trouve en effet dans la constitution le droit des parents de choisir un enseignement confessionnel subsidié par l’État ou de choisir un cours de religion dans enseignement organisé par les pouvoirs publics… La paix scolaire a été au prix de l’inscription dans la Constitution de ces droits. A côté de cela, s’opposer à ce que certaines mamans accompagnent leurs enfants lors de sorties scolaires apparaît comme bien tristement dérisoire. Notons que cette participation des mamans concourt par ailleurs à une notion importante: le vivre ensemble. Un espace de liberté pour tous Aujourd’hui une partie de notre population juge que la liberté et l’égalité des enfants sont menacées par cette application étroite du principe de neutralité. Ceci devrait pouvoir être entendu. Sauf à considérer comme souhaitable que certains parents quittent l’enseignement officiel pour aller vers la concurrence ce que je me refuse à faire. Les parents sont des partenaires essentiels de l’École. Leur adhésion au projet éducatif de l’établissement est primordial pour l’épanouissement de l’enfant. Si l’on veut qu’enfants et parents se réapproprient certains concepts en soi positifs, comme celui de neutralité, alors l’autorité publique doit être irréprochable dans la valorisation des principes de liberté et d’égalité. C’est cette voie qui permettra à la laïcité d’être vécue comme un espace de liberté pour tous et non comme un mur d’intolérance isolant une minorité. Catherine Moureaux est Présidente du Groupe PS au Parlement francophone bruxellois
METIS : AFFAIRE D’ETAT, SECRETS D’ETAT, RACISME D’ETAT
Les métis issus de la colonisation belge en Afrique A l’invitation de l’Association des Métis de Belgique, j’ai eu l’occasion, ce 20 octobre dernier, d’assister à une matinée de réflexion sur la problématique des métis issus de la colonisation belge en Afrique. Entre témoignages, projection documentaire et exposés scientifiques, c’est un autre crime de la colonisation qui a été mis au jour dans l’enceinte du Parlement bruxellois. Loin de l’imagerie habituelle qui entoure cette période, présentant d’un côté le missionnaire belge et de l’autre le colonisé africain, la question des métis nés de relations entre femmes africaines et colons belges reste encore aujourd’hui occultée dans le récit colonial. A l’époque, leur existence-même était perçue comme une réelle épine dans le pied de l’entreprise coloniale, basée sur un apartheid qu’on a pu qualifier de « naturel ». Vus comme des éléments « instables », tout sera fait pour les isoler, les « dénaturer », les remodeler à l’occidentale. Ils seront donc arrachés à leur mère, isolés dans des institutions religieuses, jusqu’à, pour certains, être évacués en Belgique sous de nouveaux noms à l’heure des indépendances africaines. Un racisme d’Etat Outre les souffrances terribles endurées par ces enfants, ces mères et parfois ces pères, ce chapitre de notre histoire met en lumière un système d’état qui ne peut être qualifié que de raciste. La volonté méthodique des autorités d’exclure ces enfants, n’entrant pas dans les catégorisations raciales « reconnues » répond à cette logique criminelle et bien connue de toute entreprise raciste : classer les êtres humains pour permettre au système tout entier de vivre de l’exploitation des uns et des autres. Il en résulte pour les protagonistes des traces indélébiles dues notamment au déni identitaire dont ils ont été les victimes et au silence assourdissant entourant leur histoire personnelle. Coupés de leurs origines, éloignés de leurs parents, de leur fratrie, privés de leur nom et de leur langue maternelle, la plupart ont dû faire des démarches difficiles en vue de retracer leur filiation. Pour certains, cela n’a même pas encore été rendu possible. Et aujourd’hui ? A la lumière de ces faits, il apparait une fois de plus que notre histoire coloniale et les crimes qui l’ont accompagnée ne sont pas encore totalement assumés. Une reconnaissance officielle de ces lourdes fautes du passé est pourtant un « devoir d’histoire » dont notre état ne peut faire l’économie ! Cela passe également par un enseignement du colonialisme dans nos écoles qui se doit d’être plus complet, systématique et critique. Plus que jamais, il est temps d’avancer sur ces matières car ce qui est en jeu, quelles que soient nos origines, c’est notre histoire, et donc notre identité à toutes et tous !
«Cas d’antisémitisme dans un athénée de la Communauté», ma question à la Ministre de l’Éducation
Vous trouverez ci-dessous le compte-rendu des débats de la Commission Éducation du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles du 3 mai 2016: Catherine Moureaux. –Permettez-moi de revenir sur le rapport2015 d’Unia, l’ancien Centre interfédéral pour l’égalité des chances. Celui-ci stipule que l’enseignement reste l’un des quatre secteurs où les discriminations sont les plus importantes. Un secteur pour lequel, malheureusement, les dossiers introduits sont en augmentation en 2015. Aujourd’hui, un mois après les attentats de Bruxelles, le directeur d’Unia nous alerte sur une nouvelle augmentation des signalements d’actes racistes et xénophobes depuis les événements tragiques survenus le 22 mars. Selon lui toujours, ces discriminations sont essentiellement islamophobes ,mais, en 2016, il constate aussi une recrudescence de l’antisémitisme. Notre école n’est pas épargnée et je reviendrai à ce titre sur un événement survenu dernière ment. Un adolescent juif d’un athénée d’Uccle aurait subi, pendant plusieurs semaines, des insultes antisémites qui auraient poussé la mère à le changer d’établissement scolaire. Une demande d’autorisation de changement d’établissement signée et validée par le préfet avec le motif suivant «propos antisémites minimisés en insultes par le proviseur», aurait ainsi été traitée. Madame la Ministre, confirmez-vous cet évènement? Pouvez-vous faire le point sur ce que vos services ont constaté? Le cas échéant, qu’avez-vous entrepris à la suite de cet incident? Au-delà de ce cas particulier très interpellant et parce que le contexte est important, comment les enseignants, les directions et les établissements sont-ils préparés pour faire face à de tels actes aujourd’hui? Comment la formation et l’information sont-elles organisées? Quand de tels faits se produisent, des mesures, dispositifs ou protocoles spécifiques sont-ils prévus par l’Administration générale de l’enseignement? Combien de faits de racisme et xénophobie ont-ils été enregistrés en 2015 et depuis le début de cette année par vos services? Du côté des élèves, quels dispositifs sont activés quand de tels faits ont lieu? Quels sont les outils mis en place au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles? Pour conclure, je me permettrai de réitérer des propos que j’ai tenus devant cette commission il y a quelques semaines, à la sortie du dernier rapport d’Unia: l’école est le lieu par excellence où la médiation doit s’exercer. Dans le cas contraire, nous nous dirigeons vers une société de la confrontation et non du vivre ensemble. La Ministre de l’Éducation. –J’évoquerai d’abord le cas particulier que vous venez de mentionner. Lors de la rencontre qui visait à concrétiser le changement d’école de l’élève qui avait été touché par ces propos antisémites, la maman a expliqué au chef d’établissement qu’à son estime, l’emploi du terme «insulte» était inapproprié, car il minimise les faits. Lors de cette entrevue, le chef d’établissement a souhaité expliquer à la maman que l’intention de la direction n’était pas de minimiser la portée et la gravité de propos antisémites ou racistes et qu’effectivement, l’usage du terme «insulte» pouvait faire l’objet d’une discussion. S’en est suivie une discussion ouverte au cours de laquelle, le directeur a souligné que pour lui, et donc, pour la Fédération Wallonie-Bruxelles, ce qui s’était passé était très grave. Dans son chef, il s’agissait plutôt d’une maladresse d’écriture plutôt que d’une volonté de minimiser les faits. À la suite de ce dossier extrêmement délicat et auquel j’accorde beaucoup d’attention, j’ai rencontré, dès mon entrée en fonction et à leur demande, des responsables du Comité de coordination des organisations juives de Belgique (CCOJB). Aussi, dans l’athénée en question, différents projets ont été mis en place: une journée de sensibilisation au harcèlement a été organisée à destination des élèves de 1èreet 2e, le 13 avril; le 13 mai, lors de la journée portes ouvertes, diverses réalisations d’élèves sur le thème du vivre ensemble seront exposées; le chef d’établissement a convoqué des assemblées générales du personnel afin de débattre des actions à mettre en place pour éviter qu’une situation du même type ne se reproduise; l’association de parents travaille en synergie avec la direction de l’école à la production de documents sur cette thématique; des enseignants ont publié sur le site web de l’école un texte sur le vivre ensemble, une collaboration plus étroite s’est nouée avec l’école communale de Homborch –située juste en face de l’athénée–, appuyée par le Collège communal et en particulier l’échevine de l’Enseignement. Les deux associations de parents sont prêtes à s’unir pour que des parents de convictions différentes puissent s’investir dans une action préventive en collaboration avec les enseignants et les directions au profit des élèves des deux écoles. On constate une conscientisation importante de l’équipe pédagogique, de la direction ,mais aussi de l’environnement de l’école, que nous devons encourager. De manière plus générale, dans la foulée du plan de prévention du radicalisme à l’école, nous devons réaffirmer que l’école est un lieu de socialisation par excellence. Les espaces d’échanges qui s’y développent permettent aux élèves de confronter leurs idées, de déconstruire les stéréotypes et les amalgames et d’éveiller l’esprit critique. L’école a un rôle de catalyseur, elle permet de travailler sur la résilience des élèves en rappelant le socle des valeurs communes, en bâtissant des contre discours, en décryptant les discours de haine et en recréant du lien. La notion de citoyenneté, qui renferme une multitude de thématiques, questionnements philosophiques, dialogues interconvictionnels, droits de l’homme, éducation aux médias, lutte contre le racisme, nécessite la plus grande vigilance sur le contenu de l’enseignement. En effet, celui-ci ne doit pas être uniquement un éventail de matières théoriques, il doit également répondre à un des quatre objectifs généraux du décret «Missions», à savoir préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures. C’est dans cet esprit que des projets ont été mis en place. Je ne vais pas les citer à nouveau mais je tiens à votre disposition tous les outils de la plateforme citoyenneté qui sont régulièrement communiqués aux enseignants. Ceux-ci seront très utiles dans le cadre de l’éducation à la philosophie et à la
Belgian Pride 2016 – Continuons le combat!
La Belgian Pride 2016 a rassemblé plus de 60.000 personnes dans les rues de Bruxelles. Retrouvez les photos ci-dessous. Soyons fiers de la modernité de notre pays et de nos valeurs de tolérance ! Pour rappel, les principales avancées depuis 15 ans en Belgique: 2003: mariage homosexuel 2006: adoption par les couples de même sexe 2012: meilleure poursuite des crimes haineux 2014: adoption d’un plan interfédéral de lutte contre l’homophobie et la transphobie 2015: renforcement de la protection lors des transformations Des avancées significatives mais le combat n’est pas fini! Les discriminations sont toujours existantes. Le PS propose par exemple un abord moins restrictif pour le don de sang des homosexuels. Pour plus d’égalité et de tolérance, le combat continue!
Discrimination à l’embauche dans l’enseignement – Question orale du 17 mai 2016
Mme Catherine Moureaux (PS). – En janvier 2016, la presse a relaté l’histoire de Samira, une jeune enseignante de 32 ans titulaire d’une licence en arts du spectacle. À la recherche d’un emploi, elle a répondu à une annonce d’un établissement situé à Jette pour donner des cours de français. Elle était en effet expérimentée et correspondait au profil de l’offre. Elle a envoyé par courriel sa candidature composée de son CV, de sa lettre de motivation et d’une copie de son diplôme. Le préfet des études lui aurait répondu: «Mes rendez-vous sont déjà fixés, je vous recontacterai si nécessaire». Le lendemain, elle a retrouvé l’offre d’emploi actualisée sur le site d’Actiris. En proie au doute, elle a élaboré une candidature fictive en s’assurant de prendre un nom d’emprunt, Cécile. Qui plus est, d’après cet article, elle a fait en sorte que le profil soit moins qualifié et moins expérimenté que le sien. Elle n’y a pas joint de diplôme. Ce profil a reçu une réponse favorable pour un rendez-vous. Ce récit, un de plus, n’est que l’illustration de ce que vivent de nombreux Bruxellois diplômés de nos établissements d’enseignement supérieur, mais discriminés en raison de leur origine. Madame la Ministre, avez-vous demandé un complément d’information sur ce cas? Un dossier a-t-il été ouvert dans vos services? Une plainte at-elle été déposée auprès de l’administration? Avez-vous été informée de cas similaires? Pour lutter contre la discrimination à l’embauche dans nos établissements scolaires, avez-vous pris des mesures spécifiques? Il est important que nos enseignants soient à l’image de notre diversité, particulièrement à Bruxelles, deuxième ville la plus cosmopolite au monde. Mme Marie-Martine Schyns, ministre de l’Éducation. – En cas de discrimination à l’embauche en raison de l’origine, du genre, de philosophie ou de l’orientation sexuelle, le dossier est transmis au Centre pour l’égalité des chances. L’administration intervient uniquement en cas de non-respect du prescrit statutaire, priorité ou titre. Chaque pouvoir organisateur organise ses procédures de recrutement. Je ne peux que conseiller à cette enseignante de porter plainte. Même si les faits remontent au mois de janvier, il n’est pas trop tard pour le faire. Cette situation ne peut intervenir dans le réseau d’enseignement organisé par la Fédération (WBE). Le processus d’engagement est un processus de désignation qui s’effectue sur la base d’une candidature à la suite d’un appel paru au Moniteur. Les candidatures sont classées selon des règles statutaires. Toute discrimination à l’embauche porterait donc atteinte à ces règles. Un contrôle syndical assure le respect du processus. Mme Catherine Moureaux (PS). – L’enseignante a porté plainte. Pour ce faire, elle a rassemblé l’argent nécessaire par souscription. C’est donc toujours d’actualité. Par ailleurs, je voudrais revenir sur la première partie de votre réponse, concernant le fait de référer la personne au Centre pour l’Égalité des chances. Je ne suis pas sûre d’avoir compris ce que vous vouliez dire. Mme Marie-Martine Schyns, ministre de l’Éducation. – Dans une situation avérée de discrimination à l’embauche, le dossier est transmis au Centre pour l’Égalité des chances. Dans ce cas, on ne nous a rien signalé. L’administration n’intervient qu’en cas de non-respect du prescrit statutaire. Les deux rôles sont bien distincts, l’administration s’occupe des priorités, des titres… et lorsqu’un souci apparaît, cela part vers le Centre.
VIDEO – Prisons, justice, police: la mascarade d’un état fort
Ma participation à l’émission les experts sur Télé Bruxelles ce 14 mai 2016.
Discriminations et clichés dans les fictions télévisées
Le 3 mai 2016, j’ai interrogé le Ministre sur les constats très interpellants en terme de discrimination dans les médias que pose l’analyse de l’UCL: Mme Catherine Moureaux (PS). – Dans la foulée des débats sur les phénomènes de radicalisation, nous avons beaucoup parlé de l’importance de lutter contre les amalgames et de promouvoir une société inclusive. Madame la Ministre, vous êtes bien placée par rapport à la lutte contre les stéréotypes et les clichés. Il s’agit d’une question qui pourrait également vous intéresser à titre personnel. Vous savez mieux que quiconque que la place de la culture et des médias dans la construction de l’identité n’est évidemment pas à négliger. C’est pourquoi j’ai été particulièrement intéressée par la lecture des résultats d’une analyse menée par des étudiants en communication de l’UCL. Ils ont analysé une trentaine de fictions – des séries télévisées, originaires des États-Unis, mais aussi du Canada – qui ont eu une large audience en Europe, ce qui est d’autant plus interpellant pour nous. Les clichés détectés sont principalement liés à l’identification des origines arabes au terrorisme. C’est assez impressionnant en termes de nombre. Toutefois, quelques séries, dont la série canadienne intitulée La petite mosquée dans la prairie, viennent nuancer ce diagnostic. Je voudrais orienter mon propos sur ce qui peut être fait, en Fédération Wallonie Bruxelles, pour porter une approche moins stigmatisante et plus représentative de la richesse de la diversité de la société. Le ministre a-t-il pris connaissance de cette étude? Si tel est le cas qu’en a-t-il pensé? Faisant écho à la discussion qui s’est tenue dans le cadre de l’interpellation précédente sur la fonction de production de la RTBF ainsi que d’autres éditeurs en Belgique, par quels leviers peut-on agir pour soutenir et promouvoir des productions amenant une vision plus positive des personnes de toutes origines? Il s’agit d’une question vaste et j’espère avoir une ébauche de réponse. Mme Isabelle Simonis, ministre de l’Enseignement de promotion sociale, de la Jeunesse, des Droits des femmes et de l’Égalité des chances. – Pour le ministre Marcourt, le constat n’est pas nouveau: les séries télévisées et autres œuvres de fiction sont très souvent le reflet des insécurités d’une société, que ces œuvres en jouent intelligemment ou pas. Ainsi, jusqu’à 1990, il n’était pas rare de voir dans le rôle du méchant de service ou de l’ennemi violent une caricature du communiste russe. La menace nucléaire prégnante à l’époque a fait place à la menace terroriste de ce siècle. Les époques changent, mais les recettes pour jouer sur les peurs des gens, au travers de différents archétypes, afin de glorifier nos héros de fiction, restent les mêmes. Aujourd’hui, lorsque l’on veut créer une intrigue autour d’une menace terroriste, la solution de facilité est de la représenter grâce au stéréotype de l’Arabe violent. Au-delà de ce constat navrant, la liberté de création et d’expression des auteurs de fictions doit rester totale. Par contre, le politique a un rôle à jouer sur la perception de la réalité. Il faut développer dans les médias d’information une offre de contenus donnant une image correcte de la réalité et travaillant au rapprochement des cultures, en exacerbant moins les peurs qui divisent, mais en mettant en valeur les points de vue qui unissent. Comme le ministre Marcourt l’a souligné en réponse à la question écrite de Mme Moureaux portant sur les chiffres d’UNIA pour 2015, il est vrai que le climat est malheureusement propice aux manifestations islamophobes et les événements tragiques du 22 mars dernier risquent bien d’attiser les amalgames, les préjugés et les discriminations à l’égard de la communauté musulmane. Le devoir du gouvernement au niveau des médias est également de pouvoir offrir à l’ensemble des citoyens une vision de la communauté musulmane qui la présente dans toute sa richesse et pas seulement via les excès de quelques extrémistes. C’est pourquoi le ministre Marcourt travaille, sur la base des recommandations émises dans le rapport sur la formation des cadres musulmans et les émissions concédées que lui a remis en décembre dernier la commission, à l’attribution d’une émission concédée sur les ondes de la RTBF afin de participer à cette reconnaissance. Pour le moment, on élabore un projet d’émission qui tienne la route et dans lequel se reconnaissent les nombreux musulmans qui adhèrent à la volonté de créer un islam de Belgique, tout en s’adressant également aux non-musulmans. Nous travaillons également pour le moment, le ministre Marcourt et moi-même, à la pérennisation d’un baromètre périodique de la diversité dans les médias. Cet outil doit permettre aux différents éditeurs de s’interroger sur la représentation de l’égalité et de la diversité dans leurs émissions afin de prendre, le cas échéant, des mesures visant à les promouvoir. Par exemple, le dernier baromètre mettait notamment en évidence la proportion accrue d’hommes vus comme «non blancs» au départ du prisme de perception «auteurs d’actes répréhensibles», ce qui démontre la nécessité pour les médias de prendre en compte tant l’aspect quantitatif de la représentation de la diversité que son aspect qualitatif. Le ministre Marcourt étant attaché à l’autorégulation du secteur, l’idéal serait pour lui un système où chaque éditeur définirait pour ses programmes des objectifs à atteindre sur une base volontaire. Mais c’est un autre débat. C’est également pour agir sur cette perception qualitative de la diversité que nous travaillons, le ministre Marcourt et moi-même, en collaboration avec l’Association des journalistes professionnels, au développement d’une base de données d’experts et d’expertes issus de la diversité. L’objectif est de mettre à la disposition des médias et du public un large panel de compétences par une visibilité accrue de ces experts. Toutes les études réalisées à ce jour en matière de diversité à l’écran ou en presse écrite montrent la sousreprésentation des femmes et des personnes issues de la diversité ethnique dans le rôle d’expert interviewé par les médias. Les personnes issues de la diversité ethnique sont habituellement confinées dans des rôles subalternes, passifs, ou représentées via un prisme de perceptions négatives. Nous continuons donc au niveau du gouvernement à